LGBT+ en Moldavie : harcelée, une adolescente transgenre finit par se suicider

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Après avoir été harcelée, humiliée et battue par des camarades de classe, qui sont allés jusqu’à lui uriner dessus, une adolescente transgenre de 16 ans a sauté du 22e étage de son immeuble. Un député du parti au pouvoir appelle à changer la loi pour s’occuper du problème du harcèlement à l’école.

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Par Florentin Cassonnet

Le boulevard de Moscou, à Chişinău, où Felis habitait.
DR

« Je viens de parler à la mère de Felis, une adolescente transgenre de 16 ans. Elle m’a raconté les humiliations que son enfant a subies au lycée. Des camarades de classe, tous des garçons, l’ont pourchassée, mise à terre, battue et ont fini par lui uriner dessus. Felis est rentrée chez elle en état de choc. Dès qu’elle est entrée dans l’appartement, elle s’est évanouie. Le lendemain, elle n’a pas pu dire à sa mère lequel de ses collègues l’avait agressée. » C’est ainsi qu’en février 2020, Angelica Frolov, la directrice de Genderdoc-M, l’association de défense des droits des personnes LGBTI, rapportait sur sa page Facebook l’enfer subi par Felis, systématiquement harcelée pour son identité de genre. Le 11 avril, Felis s’est suicidée en sautant du 22e étage de son immeuble.

Quelle est la responsabilité du système éducatif ? Selon le rapport de Genderdoc-M, le lendemain de l’agression, la mère s’est rendue à l’école avec les vêtements sales de Felis pour raconter à la directrice ce qu’il s’était passé. Elle lui a répondu que personne ne savait qui étaient les agresseurs et que le lycée ne pouvait rien faire. Et surtout que Felis était responsable de ce qui lui arrivait, « parce qu’elle a l’apparence qu’elle a ». La mère de Felis a ensuite contacté le ministère de l’Education, qui a envoyé un psychologue au lycée en question pour clarifier la situation. « L’administration du lycée a dit que Felis avait tout inventé. » La mère de Felis a décidé que la meilleure chose à faire était de la retirer du lycée, un lycée de Chișinău dont elle ne voulait pas à l’époque révéler le nom pour protéger son enfant.

« Malheureusement, les établissements d’enseignement en Moldavie ne sont pas un environnement sûr pour les jeunes ayant des besoins particuliers quels qu’ils soient », dénonce Genderdoc-M, qui a recensé dans son dernier rapport de nombreux actes homophobes et transphobes de la part des élèves et des enseignants. Par exemple, « une personne transgenre interrogée a déclaré qu’elle avait essayé une fois de changer d’école, mais qu’on lui avait refusé parce que les enseignants ne voulaient pas prendre ’la responsabilité de sa sécurité’ ».

Dan Perciun, député du Parti Action et Solidarité (PAS, au pouvoir), s’est saisi du triste sort de Felis pour porter devant le Parlement moldave le problème du harcèlement à l’école et des discriminations contre les personnes LGBTI. « Ce cas montre l’urgence qu’il y a de modifier le cadre législatif pour combattre le harcèlement à l’école et tenir les agresseurs responsables. » Selon les médias moldaves, l’Inspection générale de la police s’est auto-saisie et a ouvert une enquête. « C’est regrettable que ce soit le sort d’un enfant qui nous montre les problèmes du système », a déploré l’Avocate du peuple (ombudsman) Maia Bănărescu, qui rappelle qu’il n’y a pas d’éducation sexuelle, ni d’éducation aux droits humains à l’école.


Cet article est publié avec le soutien de la fondation Heinrich Böll Paris.