Blog • DÉ-SOL-ATION, un carnet de route Paris-Athènes-Lesbos

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Marie-Christine Navarro est à la fois une femme de radio et une femme de l’écrit. Productrice-documentariste à France Culture, agrégée de lettres modernes, elle a enseigné parallèlement à l’université américaine dans le département de littératures méditerranéennes. Elle s’est ensuite consacrée à l’écriture tout en s’investissant dans la promotion de projets et de spectacles trans-disciplinaires avec son association Kurbeti-Les nouvelles Hybrides.

DÉ-SOL-ATION, le carnet de voyage choral et poétique pour lequel l’auteure a reçu la bourse SCAM « Bouillon d’un Rêve » littéraire 2017, fait l’objet d’une Carte blanche, samedi 13 avril à partir de 15h au Salon du livre des Balkans, 65 rue des Grands Moulins 75013 Paris. Métro : Bibliothèque Fr. Mitterrand.

Marie-Christine Navarro se rend en Grèce depuis de nombreuses années. C’est le pays qui inspire son écriture et ses livres déjà parus. Depuis 2008, la Grèce a connu une crise sans précédent tant sur le plan national qu’international. A travers ses mots et les paroles retranscrites de celles et ceux avec qui elle a partagé des instants de vie, la narratrice dévoile le parcours chaotique des réfugié.e.s à Athènes et sur l’île de Lesbos. Par les témoignages de celles et ceux qui accueillent les exilé.e.s, elle transmet son amour indéfectible pour une Grèce hospitalière en dépit de tout.

Pourquoi la Grèce plutôt que Calais ?

« J’écris toujours pour les morts et pour ceux qui ne sont pas encore nés. Les vivants qui veulent garder les yeux ouverts y trouveront peut-être leur nourriture. Pourquoi la Grèce ? Parce que mes récits écrits et publiés jusqu’ici y font référence. Parce que j’ai la Grèce au cœur depuis l’enfance et que je m’y rends régulièrement chaque année. Parce qu’il m’est indispensable dans cette quête, d’être moi-même étrangère en terre étrangère, afin d’éviter le plus possible d’être en surplomb par rapport aux réfugiés, ces Xeni Paraxeni, ces étranges Étrangers par excellence de notre société sans pitié. La Grèce est un des personnages centraux de ce livre. Elle l’irrigue malgré elle.

Ceci n’est donc pas un livre sur les réfugiés, mais avec eux. C’est un carnet de route où une voix chemine aux côtés des voix des exilé.e.s et de celles et ceux qui en prennent soin, se mêlant à elles.

Un oratorio pour les temps sombres que nous vivons. Pourquoi écrire un tel livre ? Parce que je ne pouvais pas faire autrement. C’est la seule justification qui me vienne à l’esprit à l’instant où j’y mets provisoirement un terme. »

Un ouvrage dédié à tous les réfugiés

L’ouvrage de Marie-Christine Navarro n’est pas de ceux qui vous laissent indifférents. Il vous saisit et vous emporte car elle porte leurs paroles. Elle est leurs yeux et leurs oreilles. Le témoin d’un d’un immense élan d’empathie partagée par les plus pauvres parmi les Grecs. Il est dédié à tous les réfugiés morts en Méditerranée et sur les routes de l’exil. A tous ceux encore vivants qui croupissent sans espoir dans les camps, victimes de la lâcheté d’une Europe en crise. Certains diront moribonde.

En avril 2016, Rabee Sy est arrivé de Damas où il était étudiant en sciences politiques. Pacifiste et objecteur de conscience, il a refusé de faire son service militaire, ne voulant ni tuer ni être tué par un de ses compatriotes. "Moi, je pense que les États européens sont en train de se suicider, à cause de leur bureaucratie démentielle. Ils étouffent avec leurs papiers. Je ne sais pas pourquoi ils en veulent autant. Ils pensent que ça les protège !

Mais vous n’avez pas à vous comporter ainsi ! Nous sommes en 2016. Nous devons aller de l’avant. Il y a des vérifications sans arrêt. Parmi les réfugiés, il y en a qui créeront des problèmes, mais dans toute communauté humaine, il y a des gens qui font problème. Donnez-leur au moins une chance ! Il n’y a que 55 000 réfugiés en Grèce qui veulent partir et dont la Grèce ne veut pas ; Ils attendent ici uniquement des papiers ! C’est absurde ! Ce pays va se détruire lui-même tout seul. Je suis d’accord avec la re-localisation, mais pas comme ça !".../...

Samira, rescapée d’un naufrage au large de Lesbos, est arrivée à Paris pour être hébergée chez sa sœur, tout juste un mois après avoir failli périr en mer. Ce qu’elle n’avait pas pu raconter à Lesbos, elle peut enfin le verbaliser. "Quand le bateau a chaviré, j’étais piégée en dessous, juste au niveau du moteur. L’essence me dégoulinait dessus et je buvais autant d’essence que d’eau salée ! .../... Pendant ce temps-là, Mokhtar [son mari] me cherchait dans la nuit... mais je ne pouvais pas lui répondre, j’étais en train d’étouffer... il fallait que je sorte de là le plus vite possible ! Alros, je me suis enfoncée dans l’eau... et je suis sortie du piège en remontant à la surface. Et comme ça, au milieu des cris de ceux qui étaient tombés à l’eau et qui étaient en train de mourir, que Mokhtar a réussi à me retrouver... Heureusement que j’avais gardé mes papiers d’identité et l’argent sur moi, enveloppés dans du plastique, cachés dans ma culotte ! Durant toute cettt nuit, je n’avais qu’une idée en tête. Si je mourais, au moins mon corps pourrait être identifié. Ma famille... [la suite directement sur la photo]

Il y a cette Carte blanche à Marie-Christine Navarro au Salon du livre des Balkans, samedi 13 avril à partir de 15h pour aller à la rencontre d’un public qui connaît et aime les Balkans...

DÉ-SOL-ATION, mars 2019, 438 pages, 60 photos N&B et 2 en couleur est disponible aux Éditions Petra

Et d’autres projets à venir : une pièce de théâtre en préparation issue des témoignages de rescapé.e.s d’un naufrage à Lesbos : « Les Rescapé.e.s » et le spectacle hybride en hommage à Tonin Tane, exilé albanais à Athènes, grand violoniste spécialiste des musiques des deux Épire : « Rituel tzigane » autour de la sortie du CD des meilleurs concerts de cet interprète hors du commun...