Blog • Anila Rubiku : La balançoire de l’injustice

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La Biennale d’architecture "Infinie liberté, un monde pour une démocratie féministe" du Fonds régional d’art contemporain (Frac) Centre-Val de Loire accueille, jusqu’au 1er janvier 2023, les œuvres d’Anila Rubiku, artiste italienne d’origine albanaise. Entretien.

La Biennale du Frac Centre-Val de Loire 2022 réunit une cinquantaine d’artistes et d’architectes femmes de nombreux pays. Elle développe un nouvel imaginaire fondé sur l’égalité, où plusieurs lectures sociales, militantes et artistiques cohabitent dans la perspective d’impulser un nouveau sens commun.

L’artiste plasticienne Anila Rubiku partage son temps entre l’Italie et le Canada où elle a des attaches familiales. Mais ses racines sont en Albanie comme le montre son travail de plasticienne, à la croisée de l’architecture, depuis plus d’une vingtaine d’années. Sa réflexion est à la fois artistique et sociale sur la question de l’égalité et de l’exclusion de femmes coupables de marricide en Albanie. Il fait suite à une exposition précédente, à Rabat au Maroc, où elle présentait ’L’Albanie, les femmes et la loi" sur le thème de l’égalité et de l’exclusion de femmes qu’elle a rencontrées en Albanie.

Comme elle aime à le dire alors que nous prenons un café à l’Auberge de la Butte aux Cailles à Paris : "Mon ADN est à la fois politique et social. Du point de vue esthétique, mon travail est fondé sur la des réflexions historico-politiques et sociales qui dépassent la simple notion de la beauté artistique. Je pars toujours de l’Albanie pour traiter de thèmes universels comme avec mon travail autour de cette "Balançoire de l’Injustice", réflexion sur la question de l’égalité et de l’exclusion relative engendrée par un monde construit au masculin".

Production Biennale d’Art et d’Architecture. Courtesy de l’artiste.

La balançoire de l’Injustice : une œuvre "fonctionnelle"

L’artiste a conçu cette balançoire en partant de différents matériaux et couleurs : métal et plastique, bleus, rouge et jaune pour la mettre à disposition dans un espace public avec des sièges, face à face, en forme d’oiseaux. Ses éléments fonctionnent comme des signifiants d’un système oppressant, où le féminin devient la plateforme parfaite de l’injustice. Les balancements coïncident avec les avancées et régressions de la démocratie et les conquêtes libératrices du féminisme. Le pendule de la balançoire évoque aussi une musique, un rythme qui peut marquer le temps d’un progrès social. Pour elle, l’art est le medium par excellence des toutes les évasions et des espoirs dans un avenir différent et radieux.

Production Biennale d’Art et d’Architecture. Courtesy de l’artiste.

Le trois œuvres d’Anila Rubiku sont entrées dans les collections de la Frac Centre-Val de Loire dont une est installée dans la ville de Vierzon (Loiret). "Je suis contre les monuments dans les espaces publics car ils sont tous porteurs, à des degrés divers, de messages de propagande". C’est le cas de l’Albanie et de son héritage de la dictature communiste des années 1940 au début de la décennie de 1990. Bien qu’elle ait toujours été réticente à exposer dans des lieux publics en raison des messages de propagande qui les accompagne, la proposition du directeur de la Franc Centre-Val de Loire d’exposer à Vierzon l’a intéressée car son installation est permanente et son entretien sera assuré contre l’usure et les assauts de la météo.

"Le premier geste fort de la biennale est de s’inscrire dans l’espace public, lieu où se jouent les inégalités de genre et les masculinités hégémoniques, la banalisation du harcèlement des femmes et les stratégies d’évitement", comme le soulignent les trois commissaires de l’exposition. Espace d’appropriation symbolique dans lequel les œuvres des artistes et des architectes esquissent de nouvelles pratiques urbaines, la ville de Vierzon (Loiret) accueille dans un parc public les installations de deux artistes dont Anila Rubiku.

"La balançoire de l’Injustice" a été installée dans un parc de la ville de Vierzon par la Frac Centre-Val de Loire. Celle-ci, forte de son caractère industriel et agricole et à la croisée de cinq rivières, offre le cadre de la scène de la Biennale. Elle renforce le dialogue avec cette ville : aussi bien son histoire que son présent, ses habitants que ses rêves de futur.

La participation de l’artiste à cette biennale est accompagnée par l’association italienne "Acrobates" et soutenue par le programme de promotion internationale de la Direction générale de la créativité contemporaine du ministère de la Culture italien "Italian Council". A. Rubiku présente également une installation composée de 101 cartions habillés de plumes d’oiseaux tous différents. L’artiste s’inspire d’un poème d’Emily Dickinson intitulé :"L’Espoir est la Chose avec des plumes". L’écrivaine utilise l’espoir, une entité abstraite tenant fermement les esprits humains, manœuvrant leur désir, leur confiance et leurs esprits avec son acharnement absolu. Pour elle, l’espoir peut être signifié comme un oiseau, presque une entité vivante en tant qu’humains.

Production Biennale d’Art et d’Architecture. Courtesy de l’artiste.

Le narrateur perçoit l’espoir comme un oiseau qui réside à l’intérieur des humains. Il persiste consciencieusement sans pause, chantant constamment. Utilisant la métaphore, l’artiste souligne qu’il chante vigoureusement pendant un ouragan, nécessitant une forte tempête pour mettre l’oiseau en paix. Selon l’orateur, cet oiseau n’agite jamais à ses côtés dans les terres les plus froides et les mers les plus étranges, mais il n’a jamais exigé une miette de pain, chantant joyeusement.

« Et le plus doux dans le coup de vent est entendu

Et douloureux doit être la tempête

Qui pourrait abattre le petit oiseau

Qui en gardait tant au chaud. »

Anila Rubiku enchaîne les projets. Après la Biennale de la Frac Centre-Val de Loire, elle expose également dès les 22-25 septembre à Lugano, en Suisse.

En France : la 3e Biennale Art&Architecture : "Infinie liberté, un monde pour une démocratie féminine" est ouverte du 16 septembre 2022 au 1er janvier 2023. Direction artistique : Marine Bichon, Abdelkader Damani, Nabila Metaïr.