Au Kosovo, Pristina célèbre son premier festival queer

| |

Le Kosovo célèbre ce week-end son premier festival queer, un événement historique qui rassemble la communauté LGBTQI+ et promeut la diversité dans une société qui demeure toujours très conservatrice. Un grand pas vers plus d’inclusion. Reportage.

Cet article est accessible gratuitement pour une durée limitée. Pour accéder aux autres articles du Courrier des Balkans, abonnez-vous !

S'abonner

Par Julie Chauvin

Vendredi 1er septembre, la foule se presse sur le parvis du mythique cinéma Armata de Pristina. Les sourires et l’excitation se lisent sur les visages. Tous sont réunis pour assister à le soirée d’ouverture du premier festival queer du Kosovo - un accomplissement historique après des années d’activisme. « Ce festival célèbre l’amour, la vie, tout en constituant un acte de résistance important pour les personnes queer du Kosovo, qui font toujours face à de nombreux défis », explique Linda Mustafa, membre du collectif Hyjneshat, qui promeut la culture queer. « Nous existons, nous avons toujours existé, et nous revendiquons notre place dans la ville en prenant d’assaut les rues pour afficher notre amour et notre identité. Nous sommes fiers de ce que nous sommes », clame la jeune femme.

Dans une société conservatrice comme celle du Kosovo, les personnes LGBTQI+ font quotidiennement face à de nombreuses discriminations aussi bien institutionnelles que dans l’espace public. Il y a quelques semaines, le graffiti haineux « Kill the gays » avait souillé le parc de l’Université de Prishtina, illustrant la virulente homophobie toujours présente au Kosovo. Toutefois, les activistes ont rapidement riposté en le détournant en « Kiss the gays », message résolument axé sur l’amour et la paix. Organisé par le collectif Hyjneshat et Dylberizm, une plateforme éducative dédiée à la communauté queer, ce festival est avant tout l’occasion de créer « plus de communion et de solidarité au sein de la communauté ».

Ce festival est une ode à la joie, je suis si heureux d’être ici ce soir pour célébrer notre identité.

Au cinéma Armata, la cérémonie d’ouverture bat son plein. Des musiques traditionnelles albanaises racontant l’amour queer retentissent. Un moyen de rappeler que le mouvement n’est pas nouveau et que l’affirmation queer n’est pas une question idéologique comme de nombreux détracteurs le proclament. Trois drag queens vêtus de costumes traditionnels albanais dansent sur scène, en reprenant des airs traditionnels qui prônent l’acceptation queer. Le public tape des mains au rythme des instruments, joyeux et fier de cette communauté inspirante.

Une drag queen chantant sur une musique folklorique
Besford Syla pour Prishtina Queer Festival

« Ce festival est une ode à la joie, je suis si heureux d’être ici ce soir pour célébrer notre identité », rapporte avec émotion Dren. Tout le week-end, une riche programmation réunit artistes locaux et étrangers pour célébrer la diversité. « Nous avons à cœur de créer une plateforme pour nos artistes queer kosovars afin qu’ils puissent s’exprimer et rayonner. Nous avons également invité des artistes européens, sachant que beaucoup de personnes n’ont pas l’opportunité de voyager en raison des contraintes de visa. Nous souhaitons inspirer notre communauté en lui permettant de connaître ces talents artistiques venus d’ailleurs », explique l’organisatrice. Rave, drag performances, discussion, présentation d’un ouvrage sur l’histoire trans du pays, projection de films kosovars traitant des questions d’identité… Être visible et se réapproprier l’histoire, voici l’un des motto du festival. La majorité des événements se déroule dans des espaces publics tels que le Kino Armata, la Bibliothèque nationale, la « rue du raki », en plein centre-ville, ou bien encore le Palais de la jeunesse et des sports. « Nous ne voulons plus nous cacher. Investir ces espaces, c’est se les réapproprier », ajoute Linda.

Le festival bénéficie du soutien de nombreux partenaires comme le Bubble Pub, Thermokiss, le Centre pour l’égalité et la liberté ou encore la mairie de Pristina et le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports. Ce soutien revêt une importance cruciale pour la communauté queer, souvent reléguée en marge de la société. « Le Kosovo s’affirme comme un pays démocratique, et ce festival symbolise un pas significatif vers la réalisation de cet idéal de diversité. En fin de compte, c’est une célébration de l’unité et de l’égalité que nous aspirons à partager avec tous », conclut Linda Mustafa.

Ce reportage est publié avec le soutien de la fondation Heinrich Böll Paris.