Comment améliorer le traitement médiatique et la coopération entre les médias, les ONG et la société civile ? C’est la question qui a servi de fil rouge à l’atelier organisé par le Courrier des Balkans et l’Institut Musine Kokalari au Kolegji AAB de Pristina le 23 juin. « Nous sommes ici aujourd’hui pour parler ensemble des violences sexistes, sexuelles et contre les communautés LGBTQIA+. C’est un fléau qui frappe les sociétés des Balkans depuis plusieurs années et auquel les médias, les ONG et la société civile sont confrontés de différentes manières », a annoncé Nerimane Kamberi, journaliste du Courrier des Balkans en ouvrant la table ronde.
Ce fléau, les quatre panélistes y sont confrontés dans leur travail au quotidien. En décembre 2012, le média Kosovo 2.0, qui abordait dans son quatrième numéro papier la question des droits des personnes LGBTQIA+ au Kosovo, a fait l’objet de violentes attaques. « Une vingtaine de hooligans ont tenté de pénétrer dans les locaux où nous organisions une soirée et ont commencé à attaquer les personnes présentes », se souvient Besa Luci, rédactrice en chef et co-fondatrice du média basé à Pristina. Dix ans plus tard, Kosovo 2.0 est toujours là et ses récits longs formats sur les atteintes aux droits humains sont devenus des articles de référence pour les médias locaux et internationaux tels que le Courrier des Balkans. « Il est important pour nous de ne pas avoir qu’une approche journalistique et de compter parmi nos collaborateurs des activistes, des étudiants et des chercheurs qui ont d’autres regards », explique Besa Luci.
À ses côtés, quatre autres panélistes ont pris la parole et brossé un tableau de la situation au Kosovo, en Albanie ou en Serbie : Besarta Breznica est chargée de programme pour lutter contre la violence basée sur le genre au sein du Kosovo Women’s Network à Pristina ; Jovana Gligorijević est journaliste à Vreme et a co-fondé le groupe Femmes journalistes contre la violence sexiste à Belgrade ; Dardan Hoti, journaliste et documentariste, dirige Sekhmet, une ONG basée à Pristina dans le but de défendre les droits humains et des personnes LGBTQI+ ; et Liri Kuçi a co-fondé et co-dirige le magazine féministe Shota à Tirana.
« Notre rôle est de répertorier les cas de violences et féminicides mais aussi de donner la parole aux personnes marginalisées », explique Liri Kuçi. Et si la une certaine prise de conscience de ces violences a émergé ces dernières années, Jovana Gligorijević reconnait qu’un « gros travail reste à faire et des ponts doivent être créés entre les pays et toutes les personnes désireuses d’améliorer les droits en dépit du manque de réponses des autorités ».
Face à un cas de violence de genre ou homophobe, le regard du journaliste est-il différent de celui de l’activiste ? Comment médias et ONG peuvent-ils coopérer et mutualiser leurs efforts sur le long terme ? Ces questions ont été abordées sous forme d’ateliers l’après-midi. « C’est extrêmement enrichissant de pouvoir s’asseoir ensemble à une table et comprendre comment chacun fonctionne, les impératifs du média, le positionnement de l’ONG », analysent Venera Ismaili et Berat Bajrami, membres du centre Artpolis et du Festival féministe Femart, venus participer à l’atelier.
Les échanges se sont prolongés au Bubble bar, premier bar queer ouvert à Pristina. Le Courrier des Balkans et l’Institut Musine Kokalari tiennent à remercier les ambassades de Belgique, de Suisse et du Luxembourg pour leur soutien et leur présence lors de ces rencontres.