Blog • Prix du Musée 2020 du Conseil de l’Europe à la "Maison des feuilles" à Tirana

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Le Prix du Musée 2020 du Conseil de l’Europe a été décerné au Musée national de la surveillance secrète, ou « Maison des feuilles » à Tirana, qui rappelle les heures sombres d’un passé encore dans toutes les têtes des plus de quarante ans en Albanie. Le musée a été choisi par la Commission de la culture de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) qui s’est réuni début décembre à Paris.

© Ministère de la Culture albanais

La visite du bâtiment, connu sous le nom de « Maison des Feuilles » et qui revient sur les violences psychologiques et le contrôle totalitaire exercés sur les citoyens par le régime communiste albanais (1944-1991), ne laisse pas indifférent le visiteur qui en passe la porte. Pour en avoir fait l’expérience en mai 2019, deux ans après son ouverture officielle, je suis ecore impressionnée par l’atmosphère chargée d’émotion qui s’en dégageait.

Quand je l’ai visité, le musée était silencieux, parcouru par quelques rares visiteurs. Des étrangers principalement. L’amie albanaise qui m’accompagnait avait dû faire un grand effort et prendre sur elle pour en franchir le seuil, tellement les esprits sont encore marqués par les horreurs qui s’y sont déroulées. Le musée se trouve dans l’ancien bâtiment de la Direction de la sureté de l’État, communément appelée "Sigurimi", au centre de Tirana.

Il a pour vocation de raconter aux jeunes générations et aux étrangers une des périodes les plus sombres de l’histoire du pays, celle du régime communiste. Comme le mentionne le site (qui est bien fait), au cours de cette période, 18 000 personnes ont été poursuivies et inculpées et 5 000 personnes ont été exécutées. Installé dans une ancienne clinique médicale à l’époque du roi Zog, ses locaux sont restés pratiquement intacts, avec les équipements et les enregistrements d’origine, qui sont maintenant conservés dans les archives.

En le parcourant, j’ai été frappée par les murs couverts des noms des victimes tombées sous les coups du régime, les photos des victimes au cours des procès politiques, par le nombre d’appareils d’écoute, le réseau des lignes téléphoniques réservées aux services de renseignement et qui convergeaient toutes vers ce centre où l’on pratiquait aussi la torture, les organes de propagande (affiches, films, écrits,...), la désuétude glaçante du laboratoire scientifique, etc.

Un film de propagande est resté dans ma mémoire. Il s’agit de celui tourné depuis un orifice caché dans la tapisserie d’un appartement de Tirana où un couple d’agents de la "Sigurimi" a attiré la femme d’un diplomate pour qu’elle leur vende des vêtements usagés ou encore un appareil électroménager, et (dé)montrer ainsi la cupidité des "suppôts du monde capitaliste"...

Le Prix du Musée du Conseil de l’Europe récompense chaque année, depuis 1977, un musée apportant une contribution remarquable à la connaissance du patrimoine culturel européen, le respect des droits de l’homme et de la démocratie, la promotion des liens entre les cultures en surmontant les barrières sociales et politiques, l’élargissement des connaissances et compréhension des sujets de société contemporains et l’exploration des idées en matière de citoyenneté démocratique.

Des audioguides sont disponibles en français. Il ont été réalisés dans le cadre d’un projet soutenu par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) avec le concours de l’Alliance française à Tirana et l’ambassade de France en Albanie. Dans les Balkans, un des lauréats les plus récents de ce prix est le Musée sur l’enfance en temps de guerre de Sarajevo en Bosnie-Herzégovine en 2018.