Par Julien Radenez
Marcel Courthiade était né le 2 août 1953 à Montceau-les-Mines de parents français. Il se définissait comme un Européen, ou plutôt un Indo-européen, aux origines grecques et romani. Ainsi, tel un personnage de roman, entretenait-il le mystère de ses origines.
Il faut dire que Marcel était un intellectuel atypique qui fascinait et marquait les esprits. Son humour et son bégaiement ont façonné son génie. Comme si ses idées courraient plus vite que ses mots.
Linguiste, enseignant, chercheur, interprète et activiste, il a toujours travaillé avec acharnement. Son appétence pour les savoirs était sans borne. Il dévorait les livres comme son frère, pianiste professionnel, dévorait les partitions. Sa mémoire d’éléphant lui permettait de tout apprendre par cœur, les langues notamment.
Après des études de médecine, il s’est consacré à la linguistique. Universitaire diplômé en polonais, serbo-croate, albanais et macédonien, il a même obtenu un DEA de langues océaniennes à l’INALCO (Paris). Élève de Georges Calvet, il devint spécialiste de la langue romani, dans toutes ses variantes. Il connaissait aussi le sanskrit, l’hébreu, le latin, le grec et parlait l’anglais, l’allemand, l’espagnol, l’italien, le hongrois, le roumain, le russe… Bref, de quoi étancher sa soif de connaissance.
Le vaste territoire des Balkans était son terrain de recherche préféré. Il l’a parcouru dans tous les sens, à la rencontre de ses habitants. Passionné de langues, de cultures et d’histoires, Marcel aura passé son temps à voyager, communiquer, traduire, lire, écrire et publier.
En 1990 à Varsovie, il avait participé au congrès de l’Union Romani Internationale en tant que commissaire linguistique, posant les bases de la transcription et de la standardisation de la langue romani. Cinq ans plus tard, il soutenait, à Paris, un doctorat sur la « Phonologie des parlers rroms et diasystème graphique de la langue rromani », sous la direction de Claude Hagège. Depuis 1997, il était maître de conférence en langue et civilisation rromani à l’INALCO (Paris). Sa bibliographie compte une trentaine de pages pleines de nombreuses références. Il laisse derrière lui un immense patrimoine immatériel et une œuvre, hélas, inachevée.
Marcel Courthiade avait souvent pris part à des initiatives organisées par le Courrier des Balkans, des rencontres, des débats. Sa disparition laisse un vide immense.