Blog • Nord du Kosovo : la catastrophe était prévisible depuis longtemps

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La situation désastreuse qui s’est déroulée, le 29 mai, dans la municipalité de Zvečan, avec 30 soldats de l’Otan blessés, était prévisible. Elle est liée à la décision des États-Unis de bombarder Belgrade, en 1999.

Il y avait eu, oui, une importante violation des droits de l’homme et Milošević n’était pas un ange. Mais la décision de Washington, on ne doit pas le nier, avait comme but la création de la plus grande base militaire des États-Unis dans les Balkans par le biais de la fondation d’un État ami : le Kosovo.

Il y avait eu des tentatives entre Tibor Várady, ancien ministre de la justice du gouvernement Panić et collègue universitaire de Milošević, et Fehmi Aghani, bras droit de Rugova, de s’entendre afin d’éviter un conflit armé. Mais, les dirigeants albanais de l’époque ne s’intéressaient qu’à une seule chose : l’indépendance, ce qui signifiait, dans ce contexte, un conflit.

De plus, les Nations unies, déployées selon la résolution 1244 du 10 juin 1999, ont d’abord créé le chaos qui se manifeste jusqu’à ce jour. Mareck Antoni Nowicki, le premier médiateur du Kosovo, avait demandé au ministre français des affaires étrangères de l’époque, Hubert Védrine, les raisons pour lesquelles les troupes françaises de l’OTAN s’étaient arrêtées au sud de la rivière Ibar, à Mitrovica, mais il n’avait pas reçu de réponse. Selon Nowicki, il y avait eu des accords internes entre Belgrade et Paris pour une division de la ville, ce qui a ensuite mené à la division actuelle du pays. En bref, les internationaux venait de créer une “deuxième Chypre”.

Le même problème a eu lieu dans le secteur de l’éducation. Dukagjin Pupovci, ancien professeur à l’Université de Pristina, a tenté de convaincre Michael Steiner, chargé par les Nations unies d’une partie de la reconstruction du système éducatif après le conflit, que ce n’était pas une bonne idée de créer une université séparée pour les Serbes. Mais les Nations unies l’ont légalisée avec la résolution 2003. Dans le but de satisfaire Belgrade.

En 2011, dans le cadre du processus de dialogue, alors dirigé par Catherine Ashton, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, 33 accords avaient été conclus afin de permettre une normalisation des relations entre Belgrade et Pristina. Et parmi ceux-ci figurait également la création d’une Association des communes à majorité serbe.

De toute évidence, cet accord était un compromis, comme c’est toujours le cas en politique. Mais, la création d’une telle association présente un risque réel de voir émerger une deuxième Republika Srpska. Et c’est exactement ce que craint Kurti tandis que c’est exactement ce que souhaite Vučić. Si le Kosovo est un État unitaire, pourquoi créer une telle association alors que les droits des minorités sont supposés garantis par la Constitution et les lois ?

Le vrai problème est que les internationaux ont jeté, en 1999, les bases d’une pratique de droit international sans avoir de précédent sur lequel la fonder. Ils ont agi par compromis et ont essayé de satisfaire les deux parties autant qu’ils le pouvaient. Concernant les récents événements dans le nord, il est clair que Vučić défend ses intérêts. Pour lui, le Kosovo “n’existe pas” en tant qu’État indépendant. Mais il continue à être une province de la Serbie, comme ce qui est stipulé dans la constitution serbe. Par conséquent Vučić, également menacé par des problèmes internes (fusillades récentes, inflation, etc.), a de nouveau essayé de détourner l’attention de son électorat des vrais crises du pays. Chaque fois qu’il se sent menacé, le président serbe envoie des troupes au nord. De son côté, Kurti défend ses intérêts, en tant que premier ministre d’un Kosovo de facto indépendant. Donc, toutes les fois que ces intérêts sont en danger, cela implique également de recourir à l’intervention des forces de l’ordre.

Ce qui a de quoi objectivement inquiéter est la position de Jeff Hovenier, ambassadeur des États-Unis au Kosovo. Après l’incident du 29 mai, il a publiquement suggéré que les maires albanais élus avec un faible pourcentage de voix (seuls 3,4% des électeurs se sont rendus aux urnes le 23 avril) ne devraient pas s’installer dans les bâtiments communaux pour des raisons de sécurité, mais dans des structures secondaires. Une telle affirmation laisse à nouveau penser que le Kosovo, en tant qu’État, est encore vu comme une entité très faible.

Il apparaît que partout où les intentions des parties manquent de clarté, la confusion règne. D’une part, l’UE s’est récemment “réveillée” en acceptant la demande officielle d’adhésion européenne du Kosovo en décembre 2022, en reconnaissant au jeune pays des Balkans la libéralisation des visas à partir de janvier 2024. Enfin, il y aussi la possibilité d’une adhésion de Pristina au Conseil de l’Europe. La vérité est que ces "pas en avant” ont été faits essentiellement pour démontrer à Moscou, ami fidèle de Belgrade, que l’UE est bien présente dans les Balkans, en contexte de guerre en Ukraine.

Parallèlement et de manière contradictoire, Bruxelles continue de ne pas sanctionner Belgrade et cela contribue au manque de clarté. Ce qui s’est passé récemment dans le nord du Kosovo n’est pas une surprise. Ce n’est que le début d’une série d’événements qui pourraient déclencher de plus grandes tensions dans le pays et la région.