Les oisillons du coucou
« Nous croyons effacer le passé en ne l’évoquant pas, mais nous n’effaçons ni les griefs, ni les haines, bien enracinés, et prêts à repousser à la moindre occasion. Tu sais, la vérité que les journalistes et les chroniqueurs nous servent n’est qu’une infime partie de la réalité, dépouillée de ses strates les plus anciennes et assurément, les plus significatives. Nous n’avons toujours pas écrit notre véritable histoire et celle qu’on nous propose, nous l’avons modelée et remaniée au fur et à mesure, selon ce qui nous arrangeait, embellissant éhontément les événements pour les faire aller dans le sens de l’édification du récit national, rejetant les épisodes les moins glorieux, et tout ça, en fonction des circonstances et du goût de ceux qui détiennent le pouvoir. Tantôt victimes de conspirations internationales, tantôt héros indomptables ou chevaliers solitaires affrontant le monde entier, nous nous prenons pour le peuple élu du Seigneur, ayant pour mission de réprimer des voisins foncièrement hostiles. »
Hanté par les souvenirs d’une guerre fratricide, Dragan, fils de colons serbes, revoit son enfance et son adolescence se dessiner à la lumière du drame qui déchira le Kosovo.
Couronné du Prix Ismaël Kadaré (2021) pour Les oisillons du coucou et traduit pour la première fois en français, Gani Mehmetaj dénoue le fil des événements qui conduisirent Albanais et Serbes à s’affronter dans l’un des conflits les plus tragiques du XXe siècle.
Traduction de l’albanais d’Abidin Krasniqi.