D’une forme de lyrisme crépusculaire...
1. Toma Zdravković - Kafana je moja istina
Un titre magnifique d’avant tout ça, d’avant l’éclosion des particularismes, d’avant la guerre, une déclaration d’amour aux kafana, ces fameuses tavernes balkaniques, quand tout le monde s’attablait autour d’une bière ou d’une rakija. Le crooner Toma Zdravković y raconte l’histoire d’un homme (Lui ?) qui, après avoir erré des années durant, réalise qu’il n’y a pas de joie ailleurs que dans ces bistrots enfumés.
2. Haustor - Moja Prva Ljubav
Tube de reggae balkanique entêtant sur les filles et leurs robes d’été. Il faut voir le clip, rien que pour le gros-plan sur les pieds-nus de Darko Rundek paressant à l’ombre d’une chaleur qui semble tellement écrasante, qu’elle nous accable aussi. Et pour la bouffée de kitsch nostalgique dans ces plans sur ces filles qui n’en finissent plus de tourner sur ce manège rouillé...
3. Idoli - Poslednji dani
Une petite merveille, un petit bijou que cette chanson d’un des plus grands groupes de la nouvelle vague yougoslave aux intonations crépusculaires et mélancoliques, à écouter en boucle, en boucle et en boucle.
4. Azra - Balkan
L’un des plus énigmatiques et talentueux groupes de rock yougoslaves des années 80, dont le chanteur Branimir dit Johnny Stulić m’a inspiré à la fois les personnages de Damir et de Jimmy. Poète insaisissable et figure culte de la novi val, il quittera son pays lorsque le nationalisme viendra tout déchirer. Pour ne plus jamais y rentrer.
5. Prljavo Kazalište - Mi Plešemo
Un ska sautillant et un hymne à la jeunesse insouciante du début des années 80 pour ce groupe culte de la nouvelle vague yougoslave. Qui accompagnera les évolutions politiques du pays en basculant dans le rock nationaliste croate au début des années 90, au moment de l’éclatement. C’est aussi un peu l’histoire de cette bascule musicale que j’ai voulue raconter dans Demain la brume.
... à une machinerie au service du patriotisme
6. Mladen Kvesić - Mi smo garda Hrvatska
Premier tube de la toute nouvelle République indépendante croate et ode à la garde nationale qui « n’a pas peur et aime son pays » que l’on voit défiler à l’écran sous toutes ses coutures au son des trompettes claironnantes et va-t’en-guerre.
7. Thompson - Čavoglave
Marko Petrović dit Thompson, ses boucles brunes, son treillis, son chapelet et le fusil mitrailleur qui a lui a valu son nom de scène invente ici un nouveau concept : l’engagé volontaire rockeur débordant de testostérone et de nationalisme. La chanson artisanale devient presque accidentellement un tube et Thompson, désormais le cheveu court et les pectoraux mis en valeur dans des T-shirts moulants, la star du rock croate contemporain ultraconservateur et le symbole de la nostalgie oustachie.
8. Baja Mali Knindža - Vrati se Vojvodo
Le pendant du précédent de l’autre côté du front en un peu moins chevelu, un peu plus ringard, mais pas moins hargneux, produit un turbofolk qui a traversé toutes les guerres de Yougoslavie de son patriotisme fiévreux à la gloire de la grande Serbie, des féroces paramilitaires, de l’Église orthodoxe, appelant régulièrement à la mort des Croates et des Bosniaques.
9. Mišo Bojić - Hvala ti Arkane
Les synthétiseurs orientaux pour un des tubes turbofolk les plus nauséeux à une époque où la musique ne faisait qu’un avec la propagande du nationalisme guerrier. « Je me souviens de cette époque où ils voulaient nous exterminer mais leur rêves se sont effondrés lorsque sont intervenus les Tigres d’Arkan »... No comment.
10. Stanislav Binički - Marš na Drinu (Marche sur la Drina)
Cette marche militaire patriotique composée en 1915 pour célébrer les premières victoires serbes contre les Austro-Hongrois pendant la Première Guerre mondiale, connaîtra au gré du XXe siècle des réinterprétations diverses : elle tombe dans l’oubli, puis est remise au goût du jour durant la période titiste (c’est à ce moment-là que sont écrites les paroles qui évoquent l’héroïsme des soldats serbes. Mais ce sont les Turcs qui sont alors désignés explicitement en tant qu’ennemis et pas les Austro-Hongrois, probablement par égard pour les Croates et les Slovènes dont beaucoup avaient combattu dans les troupes habsbourgeoises) avant de servir d’hymne grand-serbe durant les guerres en Croatie et Bosnie, et notamment à Srebrenica.
Et un bonus contemporain !
Darko Rundek - Drina
Magnifique ballade de 15 minutes aux intonations des accords mélancoliques de la guitare et de la voix chaude de Darko Rundek qui moque en anglais les caméras et les gens de mon espèce, venus dans les Balkans traquer des histoires d’horreur derrière les murs parsemés d’impacts de balles...