Blog • Nouveaux défis, nouvelle stratégie de communication sur les Balkans occidentaux de la Commission européenne

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Décidément, l’Union européenne a changé sa façon de présenter la politique d’élargissement dans les Balkans occidentaux. Une stratégie de communication nouvelle, faite de fiches de présentation en couleur, avec tout un corollaire de visualisations emblématiques et un changement de vocabulaire utilisé, a été présenté par la Commission le dernier 8 févier. Des nouvelles priorités en ressortent, à bien y regarder des développent des anciennes sur la base de l’expérience tirée du passé.

Un investissement géostratégique

D’ailleurs, maintenant avec la politique d’élargissement on s’attaque au noyau dur des Balkans : la Serbie, le Monténégro, avant tout et avec un horizon temporel un peu plus éloigné : la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, l’Albanie et le Kosovo. Les enjeux se font beaucoup plus sérieux que ceux des élargissements précédents à la Slovénie et à la Croatie. Non seulement, l’Union européenne de 2018 est celle qui est en train de négocier la « Brexit » et, plutôt qu’un modèle d’agrégation auquel tendre, elle est devenue un modèle de désagrégation. Pour rester intéressante et pour assurer sa crédibilité elle doit elle aussi faire des efforts, et non pas en demander uniquement.

D’après les mots du Président de la Commissaire Juncker « La perspective, fondée sur le mérite, de l’adhésion des Balkans occidentaux à l’UE est dans l’intérêt de l’Union, que ce soit sur le plan politique ou économique ou sur le plan de la sécurité ; il s’agit d’un investissement géostratégique dans une Europe stable, solide et unie, fondée sur des valeurs communes ».

Dans la Communication on lit que l’« intérêt géostratégique » dans une Europe stable, solide et unie, fondée sur des valeurs communs ne peut pas se passer de ce qu’il arrive dans les Balkans occidentaux, et se réaliserait justement par un investissement dans les Balkans occidentaux, non plus uniquement de nature économique, mais aussi en sécurité et en capacité d’influencer son entourage à partir des domaines d’intérêt commun. Notamment : la justice et les affaires intérieures, la sécurité et la lutte contre la criminalité organisée, l’économie et le marché unique, l’énergie, les transports et la politique numérique, la politique sociale, l’éduction, la recherche et l’innovation, les affaires étrangères et la défense.

Une recette à base de crédibilité et d’efforts côté UE

Crédibilité et efforts sont les mots récurrents dans la communication de la Commission au sujet de l’élargissement aux Balkans occidentaux. La perspective d’élargissement des Balkans occidentaux devient « crédible », ainsi que l’engagement de l’Union européenne « renforcé », demandant des efforts accrus des deux côtés.

De la part de l’Union européenne il y aurait un effort majeur de coopération avec les pays des Balkans occidentaux passant par une participation accrue des Balkans occidentaux à des conseils informels, ainsi que des contacts réguliers. La Commission de sa part s’engage à inclure, le cas échéant, les représentants des Balkans occidentaux dans les comités techniques et dans ses groupes de travail (la bonne vieille « Comitologie »). Elle se propose aussi de renforcer son assistance technique, par le moyen d’échanges avec les administrations de la région ou par la promotion de partenariats locaux entre les municipalités de la région et celles des pays de l’UE (la nouvelle « gouvernance expérimentale »). En particulier, dans le domaine des échanges commerciaux elle s’engage à proposer des programmes de « reconnaissance mutuelle » sur la base de la Zone de Libre Echange centro-européenne (l’accord A.L.E.C.E.) et l’Espace économique régional des Balkans occidentaux (pour l’instant uniquement à niveau de proposition), concernant les opérateurs économiques.

La crédibilité de l’Union européenne passerait aussi par une intégration majeure entre l’élargissement et renforcement de l’Union désormais faisant partie d’une unique stratégie générale de l’Union européenne et l’acquisition, avant le prochain élargissement, du vote à la majorité qualifiée au Conseil dans des domaines tels que la politique étrangère ou les questions du marché commun.

Mais aussi des efforts et des réformes crédibles dans les Balkans occidentaux

Etant donné que désormais le modèle européen a perdu de son attrait à cause de la Brexit, c’est d’autant plus aux pays de Balkans occidentaux de démonter avec des efforts effectifs leur véritable volonté d’adhésion.

Des véritables efforts seraient demandés par exemple dans la résolution au préalable des contentieux transfrontaliers restés en suspens, aussi parce que cette fois-ci ce ne serait pas uniquement question du Golfe de Piran, mais, dans le cas de la Serbie, de la reconnaissance d’un état indépendant, ce que dans le jargon européen est défini comme : « la normalisation effective et complète des relations entre Belgrade et Priština ». Non seulement, les engagements pris, dans les mots de la Commission deviennent « irrévocables » et entrainent la renonciation à entraver les adhésions des autres pays candidats.

Des dispositions spéciales devront aussi être adoptées concernant les langues nationales des futurs Etats membres. Cela impliquera probablement la nécessité de réduire le nombre des langues officielles de l’Union, bien que le nombre d’Etats adhérant soit augmenté.

Une fois disparue l’obligation de la coopération avec le TPIY, qui a fermé ses portes le 21 décembre 2017, à sa place on trouve l’engagement à participer au processus de complètement de la « justice transitionnelle », avec une attention particulière aux « questions sensibles » restées en suspens, notamment : le traitement des affaires relatives à des crimes de guerre (coopération avec le mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux et les chambres spécialisées pour le Kosovo), le sort des personnes disparues, des réfugiés et des personnes déplacées, le recensement et l’élimination des champs de mines. Qu’il s’agisse de la coopération régionale, des relations de bon voisinage ou de la réconciliation, elles ne peuvent pas, d’après les mots de la Commission « être imposées de l’extérieur », mais elles doivent être assumées par les dirigeants de la région qui « doivent s’approprier pleinement » du processus et « montrer l’exemple ». Encore une fois c’est l’expérience du passé qui dicte ses mots, en particulier la prolifération des différentes formes de coopération régionale qui se sont développés à côté et en intégration ou partielle substitution de celle européennes (A.L.E.C.E, etc., …).

L’intérêt commun de la préparation de l’accueil

La préparation du terrain de l’accueil est une évolution du concept de « capacité d’absorption », ou de ce que dans les documents précédentes de l’Union était la « capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l’élan de l’intégration européenne [qui] constitue également un élément important répondant à l’intérêt général aussi bien de l’Union que des pays candidats ».

Dans la nouvelle communication de la Commission, toujours d’après l’expérience du passé, on souligne la nécessité de prévoir une transition progressive et en douceur du statut de préadhésion vers celui d’état membre pour permettre « le renforcement des capacités d’absorption nécessaires », cela impliquerait aussi un accès proportionnel aux fonds de préadhésion de la part des pays candidats, pour en vérifier aussi l’usage et de cette façon augmenter la contrainte.

De l’ancienne stratégie des trois C il en reste qu’une : la communication

La « stratégie des trois C » avait été introduite en 2005 et confirmée dans les stratégies suivantes, elle envisageait la « consolidation » des engagements déjà existant pris à l’encontre des pays qui eux-mêmes s’étaient déjà engagés dans le processus, tout en restant prudent quant à l’adoption d’engagements ultérieurs, la « conditionnalité », ou l’application de conditions équitables et rigoureuses aux pays candidats et enfin la « communication », la préparation de l’opinion publique en matière d’élargissement.
Dans la nouvelle communication il en reste que la communication, qui devient « stratégique » à elle seule et qui s’exprime par l’engagement de la Commission à intervenir elle-même afin de soutenir les « efforts », soit des pays des Balkans occidentaux que des Etats membres de l’Union. Cela en « renforçant sa communication stratégique dans les pays concernés et dans l’Union et en veillant à la visibilité de la politique d’élargissement ».

Ce qui cloche dans tout ce discours sur la crédibilité et les efforts, la communication, c’est que dans les coulisses de Bruxelles, le jour de la présentation de la Communication, on s’avouait qu’en réalité il n’y a pas de véritables chances d’adhésion pour les pays des Balkans occidentaux, même à l’horizon éloigné de 2025, à cause de la corruption endémique, du crime organisé et des institutions démocratiques fragiles, et donc encore une fois, les beaux mots finissent par n’être que de la rhétorique.

On peut bien se demander alors pourquoi faire tant d’efforts de communication, il reste qu’il faut être clair et aussi pragmatique, on ne peut pas oublier les expériences du passé, et la Communication en fait trésor, ni banaliser le présent, le Brexit il est là, le modèle européen n’est plus d’attrait et donc il faut trouver un autre terrain d’entente pour maintenir l’élan à l’intégration, il ne reste que voir si les « valeurs communs » et l’« investissement géostratégique » pourront être suffisants.