Blog • La longue route de l’Albanie et de la Macédoine du nord

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C’est une bien longue route que celle qui doit mener l’Albanie et la Macédoine du nord à l’intégration. Retour sur ce chemin et le concept de circonstance de « Balkans occidentaux ».

En 2001, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM-FYROM) a été le tout premier pays des Balkans occidentaux à signer avec l’Union européenne, plus précisément les Communautés européennes et ses Etats membres, étant donné la nature de l’accord, un accord intérimaire de nature commerciale. Vingt années se sont passées et le pays qui est aujourd’hui reconnu comme République de Macédoine du Nord a obtenu le feu vert pour ouvrir ses négociations d’adhésion avec l’Union européenne et cela ne doit pas surprendre qu’elle y soit arrivée à côté de l’Albanie.

C’est le 9 avril 2001 que l’ARYM fut la première à signer le tout premier des accords intérimaires entre les Communauté européennes et les pays des Balkans occidentaux dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’Accord de Stabilisation et Association (ASA). Ces accords de stabilisation et d’association étaient l’un des instruments prévus par le Processus de stabilisation et d’association qui devait préparer les pays des Balkans occidentaux à faire part de l’Union européenne.

L’appellation « Balkans occidentaux » a été introduite par les « Conclusions du Conseil affaires générales de Bruxelles du 27 avril 1998 » mais, dès 1996, dans les relations bilatérales entre l’Union européenne et les pays des Balkans, ceux-ci étaient subdivisés en deux groupes : l’ARYM et l’Albanie d’une part, qui n’avaient pas connu la guerre de démembrement de l’ancienne Yougoslavie et les autre pays qui nécessitait d’aides différentes, comme par exemples celle à la reconstruction.

Une longue route en compagnie de l’Albanie

L’ARYM présenta sa demande d’adhésion à l’Union européenne entre la signature de l’accord commercial sous-mentionné et son entrée en vigueur le 22 mars 2004 [1] et, le 25 mars 2020, quinze ans plus tard, les négociations peuvent enfin s’ouvrir. Si l’on regarde depuis la perspective de l’accord de 2001, c’est vraiment une longue route qu’a du traverser la République de Macédoine du Nord avant de s’approcher à l’Union européenne. Et l’Albanie vient tout de suite, avec ses onze années d’attente entre la présentation de la demande d’adhésion et la décision d’ouverture des négociations.

Du point de vue de l’approche régional et du Processus de stabilisation et d’association la Macédoine aurait du être le premier des Balkans occidentaux à adhérer à l’Union et au contraire, elle a été devancée par la Croatie et Serbie et Monténégro la dépassent ayant déjà surmonter l’étape de l’ouverture des négociations. Tout ça parce que la République de Macédoine du Nord a été pendant des années otage de ce que Paul Garde a appelé « l’obsession du nom » [2].

L’affirmation d’une identité nationale macédonienne avait déjà rencontré des obstacles sous l’ancienne Yougoslavie et dans les années qui ont suivi sa déclaration d’indépendance, ces difficultés se sont trainées jusqu’à la signature des 12 juin 2018 avec la Grèce visant à résoudre le contentieux au sujet du nom de la Macédoine.
Le 1er février 2019 la Macédoine du Nord notifie à l’UE l’entrée en vigueur de l’accord de Prespa et un année après le Conseil accepte d’ouvrir les négociations d’adhésion avec la Macédonie.

Décoder le nom des Balkans occidentaux

Toujours le linguiste slavisant Paul Garde affirme que « [D]écoder les mots, c’est le meilleur moyen de dévoiler les réalités qu’ils sont censés exprimer et que souvent ils cachent ». Les accords de Prespa décodent le mot Macédoine du Nord aux yeux de la Grèce, mais l’ouverture des accords de négociation en tandem avec l’Albanie décodent le mot Balkans occidentaux pour les pays de la région.

D’ailleurs la définition fictive de Balkans occidentaux vient de l’Union européenne, qui a tout simplement regroupé dans ce cadre illusoire les pays issus de l’ancienne Yougoslavie et l’Albanie dans la perspective de l’adhésion, inventant un concept géographique de circonstance.

La nouvelle proposition de la Commission européenne du 5 février 2020 pour une nouvelle approche au Processus d’adhésion vise à réformer ce processus pour le rendre plus prévisible, crédible, dynamique, transparant et objet d’un pilotage politique plus déterminé. La réforme est basée sur des engagements réciproques entre les parties, pouvant arriver à la remise en question de certains chapitres de négociation déjà entamés et concernant aussi les négociations de Serbie et Monténégro déjà en cours, le but étant de concrétiser l’adhésion avec une méthode de négociation pouvant avoir des effets sur le terrain.

Le sous-titre de la Communication est « Renforcer le processus d’adhésion – Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux » [3] et cette perspective crédible ne pouvait pas passer que par la République de Macédoine du Nord, le cœur des Balkans occidentaux, si le but est celui de donner de la crédibilité, c’est justement à travers l’histoire des relations bilatérales de ce pays avec l’Union européenne que la crédibilité peut être démontrée, comme la dynamique de ce processus ne peut être qu’évidente que dans l’ouverture des négociations aux deux pays que dans le temps ont été le plus éloignés de cette perspective, mais qu’y avaient été associés les premiers en rendant justice à tant d’endurance.

Notes

[1La demande d’adhésion aurait dû être présentée le 26 février 2004, un mois avant, mais elle avait été remportée à cause de l’accident qui causa la mort du Président de la République Boris Trajkovski.

[2Garde Paul « Le discours balkanique. Des mots et des hommes », Paris, Fayard, 2004, p. 123.

[3Cfr. Commission européenne « Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Renforcer le processus d’adhésion – Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux », Bruxelles, le 5 février 2020, COM (2020)57 final.