Blog • Européanisation et balkanisation, retours sur le colloque du Courrier des Balkans

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Le Courrier des Balkans organisait, les 11 et 12 février, un colloque sur le thème « Union européenne – Balkans. Vingt-ans à se regarder dans les yeux ».

Européanisation et balkanisation, ou la longue liste des promesses réciproques non maintenues, avec le conséquent risque de déception d’un part et d’éloignement de l’autre... Voici en gros, ce que l’on a entendu lors des deux jours de colloque du Courrier des Balkans. Comme l’intitulé « Vingt ans à se regarder dans les yeux », la métaphore conjugale a été soulevée lors du colloque, ainsi que les revendications réciproques de rigueur : comme l’Europe qui n’a pas réussi à européaniser les Balkans, et les Balkans qui sont en train de « balkaniser » dans les faits l’Europe.

D’ailleurs, les deux sujets de la relation sont là, les deux responsables chacun pour son côté, avec ses limites. Des succès, comme l’accord de Prespa, qui a fait aussi quel le dernier héritage yougoslave soit enfin parti, le nom de Macédoine du Nord substituant celui d’ancienne République Yougoslave de Macédoine. Ainsi que des faillites : le refus de faire procéder Albanie, Macédoine et Monténégro, mais aussi l’échec des exercices de « justice transitionnelle » ou de redressement économique par l’adoption des règles de l’économie libérale.

Démocratie directe contre démocratie participative

Dans cette relation la véritable nouveauté, apparue depuis les dernier dix ans est la donne de la participation de la société civile, d’une côté comme de l’autre, s’exprimant avec les instruments classiques comme le référendum, on fait référence ici au référendum pour la Brexit, dans l’Union européenne, ou avec des exercice de démocratie participative de la part des populations des pays des Balkans. Il s’agit-là de la mobilisation des étudiants et les assemblées citoyennes qui se réinventent comme sujets politiques. L’exercice de cette démocratie participative, à cause des conditions ambiantes, tient au « miracle », d’après les mots de Igor Štiks présent au Colloque. Au même titre pendant le colloque on a souhaité l’épanouissement de formes de démocratie participative aussi dans les pays de l’Union européenne, d’ailleurs à cause de la chute dans les taux de participation aux élections et au référendum notamment, peut-on encore considérer ce dernier un instrument de démocratie directe ?

Faillite de l’européisation des Balkans

L’Europe n’est pas réussie à européaniser les Balkans et les leaders politiques des pays des Balkans s’en sont bien accommodés devenant des « stabilocrates », ou des politiciens qui font croire que tout va bien à l’extérieure au détriment de la démocratie à l’intérieur, tout en gardant un appui géopolitique international stratégique de tout honneur. C’est le cas de la Serbie que dans ce monde multipolaire est réussie dans une emprise que les Etats Unis peuvent bien lui envier, elle est arrivée à obtenir l’appui de l’Union européenne, de la Russie et de la Chine, lorsque les Etats Unis sont encore en train de créer péniblement une sorte de ceinture d’amis placés aux frontières de la Chine pour en limiter l’épanouissement.

De toute façon, du côté européen les leaders politiques manquent eux-mêmes au niveau de la communication politique, dans le « discours politique » en général et au sujet de l’élargissement en particulier. Les citoyens subissent ces discours et surtout le manque d’information et de clarté. Lors de l’élargissement des pays de l’Europe centrale et orientale c’était la menace de l’ouvrier polonais et de l’infirmière bulgare, aujourd’hui c’est la crainte de l’envahissement des flux migratoires et la « compétition sociale » qui en dériverait.

D’ailleurs, cela a été souligné aussi au colloque, la démocratie est fragile et cela vaut pour les deux côtés, elle est un idéal, tout comme un idéal c’est celui européen, d’une Europe unie, stable, démocratique et avec des économies intégrées qui fonctionnent pour le bénéfice de tous. Un idéal auquel tendre, sans pour autant s’y attacher exactement, tout comme les processus d’élargissement et de rétrécissement de l’Union, hormis les règles insérées dans les traités, les modalités de réalisation pratiques sont et doivent être dictées uniquement par la nécessité et les circonstances. Une fois respectées les standards, les processus sont à prendre singulièrement.

Le discours de Mme Myriam Ferran a été une leçon académique sur l’élargissement et le seul regret pourrait être que ça manqué de perspective, d’ailleurs comme elle l’a souligné en matière de coopération inter-gouvernementale on est toujours dans les mains des gouvernements nationaux on ne peut jamais savoir.

Le risque de balkanisation de l’Europe

Avec une forte chute dans le pourcentages, ne hissant plus les drapeaux européens dans les rues, déçue depuis vingt années d’attente sans espoirs, la population des Balkans pourtant est toujours là, en attente. Le modèle européen a perdu de son attrait, mais il pourrait le retrouver si seulement l’Union européenne et ses gouvernements le voudraient. Faute de quoi, les citoyens des Balkans seraient disposés à immigrer en Europe (des médecins, des conducteur de bus), si l’Union européenne ne vient pas à eux.

D’ailleurs parmi les intervenants au Colloque, on découvre l’existence des chercheurs migrants, ces chercheurs qui ont quitté les Balkans pour faire de la recherche ailleurs en Europe. Mais vider les hôpitaux des pays des Balkans, comme les universités et les transports publics de leurs professionnels c’est mettre en danger les services publiques locaux pour quelques recettes venant de l’étranger, encore une fois une vision myope et de troisième monde.
Le troisième aspect traité dans le colloque a été justement celui des flux migratoires, du risque de voir les Balkans comme une zone tampon qui devrait absorber les migrants, afin qu’ils ne se déversent pas dans les pays de l’Europe.

De la terminologie en guise de conclusion

Le colloque s’est conclus sous des aspects géo-sémantiques, le sens du mot Balkans avec ses connotations polysémiques et les différentes nuances de nationalisme de la part Ivan Čolović et le polysémantisme du mot Europe et l’antithèse du nationalisme représenté par le mot internationalisme de la part de Jean-Arnault Dérens, on n’aurait pas pu conclure mieux, étant donné la complexité du thème du colloque, dont le traitement reste toujours une question ouverte.