Blog • « Apaiser la Serbie » : comme des somnambules, vers une déstabilisation ingérable

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Après la décision de la Commission européenne d’imposer des sanctions en raison de ses actions dans le nord, le Kosovo a annoncé publiquement le 29 juin qu’une normalisation était possible. En outre, il est prêt et disposé à le faire. Il a donc présenté une proposition sur la désescalade avec des étapes détaillées sur ce que Pristina est prête à faire et ce qu’elle attend de Belgrade à son tour. La proposition en quatre points comprend pour le Kosovo ce qui suit : diminuer progressivement sa présence policière dans et autour des bâtiments municipaux ; permettre à EULEX et aux ONG de défense des droits de l’homme intéressées d’avoir pleinement accès aux procédures judiciaries concernant les auteurs d’actes de violence et d’en assurer le suivi ; organizer des élections anticipées dans les quatre municipalités du nord lorsqu’ells sont déclenchées par des pétitions révoquées soutenues par au moins 20% de l’électorat, comme le prévoit la loi du Kosovo ; chargeant les quatre maires du nord de transmettre leur autorité aux maires nouvellement élus après certification par la Commission électorale centrale conformément à la loi du Kosovo.

À son tour, la Serbie est priée de retirer les manifestants violents des bâtiments municipaux et des zones environnantes ; coopérer dans la détention et les procédures judiciaires des délinquants par le Kosovo avec le contrôle d’ EULEX et des guaranties de procédure régulière completes ; réduire l’état de preparation des forces armées à un niveau bas et supprimer 48 bases opérationnelles situées le long de la frontière ; s’abstenir d’entraver ou d’interferer avec le droit des citoyens serbes et de tous les partis politiques de participer librement sans intimidation, coercition ou corruption au processus électoral local.

Certes, ce changement soudain ne vient pas de soi. Au contraire, il a été poussé à travers Washington de manière décisive. Le même jour, le Kosovo a annoncé son plan en quatre points, les États-Unis ont déclaré être préoccupés par la situation dans le nord. Par conséquent, il a demandé à Pristina de prendre des mesures spécifiques pour aider à faire advancer les bénéfices du Kosovo et de la stabilité régionale. Plus précisément, Washington a demandé au Kosovo et à la Serbie de mettre en oeuvre l’accord d’Ohrid.

La proposition de l’UE sur la voie de la normalisation entre le Kosovo et la Serbie, censée contribuer à une coopération régionale fructueuse et à la sécurité en Europe, prévoit la mise en oeuvre de tous les accords passés conclus dans le cadre du dialogue de l’UE, y compris la création de l’Association des municipalités à majorité serbe.
En outre, un groupe de sénateurs américains a envoyé, le 29 juin, une lettre conjointe au président Biden lui demandant de faire pression sur Pristina pour mettre fin à la crise.

Pourtant, c’est vraiment une contradiction que Washington fixe, en ce moment, un tel accord comme condition préalable pour donner le feu vert. De plus, il attribute au Kosovo le fardeau d’avoir contribué à l’escalade. Mais il n’a pas élevé sa voix au moment où Belgrade a refusé de signer le document en février dernier à Ohrid. Décidément, des doubles standards sont appliqués. Cela montre un manqué de crédibilité, de transparence et de sens politique.

Alors que les États-Unis et l’UE apaisent un autocrate, le dernier rapport du Comité d’Helsinki pour les droits de l’homme décrit la Serbie comme une société étatisée avec une influence croissante de la Russie à la suite de la guerre en Ukraine.
Parmi les pays de l’UE, l’Autriche considère la Serbie comme un partenaire pragmatique, tandis que le Kosovo comme un partenaire idéologique. Entre-temps, Belgrade cherchait des appuis et demandait à Paris d’entreprendre des efforts supplémentaires pour faire revenir Pristina dans le cadre des pourparlers concrets.

Mais si certains membres de l’UE, notamment Vienne et Paris, ont apaisé Belgrade, les Pays-Bas et le Luxembourg ont adopté une position plus équilibrée face à la situation sans blâmer l’une ou l’autre partie. Au contraire, ils ont simplement appelé les deux à normaliser leurs relations.

Entretemps, le Conseil européen considère la normalisation des relations, et leur accord, comme la seule voie à suivre. Ne pas le faire aura des conséquences négatives. Pour l’instant, le Kosovo pourrait perdre quelque 500 millions d’euros de fonds européens d’ici fin 2023 en raison des sanctions adoptées par l’Union européenne, suite aux troubles dans le nord. En outre, le début de la date limite de liberalization des visas pourrait être reporté.

Pourtant, il est indéniable que les sanctions sont avant tout contre-productives et
témoignent plutôt d’une mauvaise gestion du dialogue européen. Ils ont déclenché un déséquilibre grave et dangereux. De plus, ils ignorent qui est le véritable provocateur, à savoir Vučić. Par consequent, Borell et Lajčák devraint démissioner de leurs fonctions. En particulier, le leadership biaisé de Lajčák a porté atteinte à la crédibilité de l’Ue, sapé le progrès et perpétué un cycle de méfiance.

Le fait que les États-Unis et l’UE apaisent un autocrate est plutôt somnambule vers une autre déstabilisation. C’est juste une question de temps. Et, ce n’est pas exclus l’éclatement d’un conflit, qui sera finalement difficile à maîtriser.

Forcement, le changement soudain de paradigm des États-Unis et de l’UE accusant le Kosovo et apaisant la Serbie est étroitement lié à la guerre en Ukraine. La crainte est que la Russie puisse se renforcer en Serbie et déstabiliser le Kosovo et les Balkans occidentaux.

Pourtant, il est sans doute tardif pour l’UE et les États-Unis de redéfinir la stratégie dans la région. Ce qu’il faut vraiment c’est un leadership courageux pour favoriser la réconciliation, l’Etat de droit et la démocratie.