Présidentielle en Serbie : Vučić va se retirer de la course et apporter son soutien à Emmanuel Macron

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C’est presque officiel : si Aleksandar Vučić n’est pas élu dès le premier tour, dimanche, il retirera sa candidature. Le Premier ministre serbe devrait également officialiser son soutien à Emmanuel Macron, les deux hommes envisageant la création d’un nouveau mouvement européen « sans programme ni idéologie », les Progressistes européens en marche (Evropski naprednjaci idu peški).

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Par Jovan Miša Apatić et C.O.B.

Aleksandar Vučić est de tous les chantiers.
D.R.

Stupeur dans les rangs du Parti progressiste de Serbie (SNS) jeudi soir, quand les militants et sympathisants ont appris que leur champion à la présidentielle du 2 avril, l’actuel Premier ministre Aleksandar Vučić, 47 ans, pourrait se retirer de la course. Depuis quelques jours déjà, dans les couloirs du palais gouvernemental, bruissent les rumeurs les plus folles : « fatigué », l’homme fort de Belgrade envisagerait « une autre vie ». Selon des sources concordantes, si Aleksandar Vučić ne franchit pas le cap des 50% des voix ce dimanche, au premier tour de l’élection présidentielle, il renoncera à participer au second tour, prévu le 16 avril, jour de la Pâque orthodoxe, la « Pâque menaçante » selon ses propres mots.

Le Premier ministre candidat a clairement laissé entendre aux téléspectateurs, le 30 mars, sur la chaîne privée Prva, l’éventualité de son retrait politique en cas de non-victoire au premier tour. Entouré de ses parents venus le soutenir, il a brièvement évoqué, dans une rare élan d’attendrissement, les yeux embués de larmes face à la caméra, les doutes qui l’assaillaient. « Dans un entretien publié ce matin-même dans le journal Blic, ma fille se plaint de ne pas assez me voir. C’est vrai. Je l’avoue, parfois, à force d’être partout, je ne suis nulle part. Je me consacre nuit et jour, corps et âme, à la Serbie... Ne le prenez pas mal, chers amis, mais parfois, je rêve d’une autre vie que j’aurais pu avoir. »

Aleksandar Vučić a également reconnu « mal supporter » la critique et « les attaques constantes des ennemis de l’État payés par l’étranger » contre lui et sa famille. Une « torture médiatique », a-t-il affirmé. Chantage affectif auprès des électeurs serbes ? Nouveau coup de ce stratège politique pour séduire la partie de l’électorat qui le honnit ? Peur de ne pas égaler le père spirituel, Slobodan Milošević, le seul à avoir gagné l’élection présidentielle au premier tour ? Nos informations nous laissent penser qu’il pourrait s’agir de la première étape d’un projet politique nouveau et d’une échelle autrement plus grande que celle de la petite Serbie.

Pénélope Fillon n’est jamais venue travailler à Belgrade Waterfront

En effet, Aleksandar Vučić aurait tissé des liens politiques avec l’étoile montante du paysage politique français : Emmanuel Macron. C’est Siniša Mali qui a servi d’intermédiaire. Le maire de Belgrade a rencontré pour la première fois le candidat à la présidentielle en juin 2016, dans les tribunes de Rolland-Garros, à Paris, lors du match historique Đoković-Murray. De ce jour-là, Siniša Mali se souvient fort bien : il était assis à côté de la célèbre actrice hollywoodienne, Hilary Swank (Million Dollar Baby).

Interviewé par notre envoyée spéciale à Paris, Siniša Mali s’est expliqué : « Nous avions d’abord misé sur François Fillon que des intermédiaires russes nous avaient présenté. Moi-même j’ai mis la main à la poche, comme il se doit, en lui offrant un blazer Berluti à 2 000 euros. Je lui ai aussi confié un double des clefs d’un appartement que je possède en Bulgarie, sur la mer Noire, pour qu’il y passe des moments privés en toute tranquillité, loin des journalistes. J’ai même fait embaucher son épouse Pénélope sur mon projet immobilier de luxe, Belgrade Waterfront, elle est chargée de communication. Mais elle n’a jamais mis les pieds dans nos bureaux ».

Une allégation confirmée à Belgrade sous couvert d’anonymat par une employée de Belgrade Waterfront : « Je vois que ça va mal, là ! M’étonne pas... Je devais être sa traductrice mais elle n’est jamais venue. Quand je pense qu’elle nous a coûté 600 000 dinars par mois... Vingt fois mon salaire ».

Suite à la désillusion du cheval Fillon, « qui boite désormais », le maire de Belgrade a réactivé son amitié naissante avec Emmanuel Macron qui l’aurait, semble-t-il, beaucoup plus séduit. « Nous avons tous deux de nombreuses convergences idéologiques », explique, enthousiaste, Siniša Mali. « Nous sommes jeunes et nous n’avons aucun programme. Nous ne sommes ni de droite ni de gauche. Ensemble, nous allons faire souffler le vent du progrès sur l’Europe. »

Les progressistes européens en marche

Surtout, Siniša Mali et Emmanuel Macron se sont découvert une vraie passion commune : les autobus. « Là, j’ai pu mettre en valeur mon expérience », confie Siniša Mali en piquant sa fourchette dans un assortiment de sushis. « Emmanuel, il défonce. C’est un type grave, extra, super. Son idée de bus à 20 euros, c’est brillant. Mais ce qu’il n’a pas compris, c’est qu’il fallait payer les pauvres pour qu’ils prennent le bus. Chez nous, si tu vas au meeting, tu touches 3000 dinars. C’est comme ça que tu pousses les gens à voyager. Autrement, je vous le dis en off : ils restent chez eux, devant la télé. » Emmanuel Macron aurait vite été convaincu. « Pour financer ces déplacements, il suffit de faire appel aux fonds européens », poursuit Siniša Mali en sifflant son gin tonic en trois gorgées. « Quand je lui ai dit qu’on pouvait aussi demander aux agents des services publics de se cotiser pour faire rouler les bus, ça l’a bien fait rigoler. » C’est ainsi que la compagnie d’autocars franco-serbe En marche / Idemo peški ! a vu le jour et que que le tandem M&M est né.

Elle devrait être à la base d’un nouveau mouvement politique européen : les Progressistes Européens En Marche (PEEM), qui aura pour but de dépasser le clivage gauche/droite et de réunir les gens sans qu’ils sachent où leurs dirigeants vont les conduire. « Ce qui est la règle du jeu dans une démocratie moderne et progressiste », rappelle Siniša Mali.

Selon Siniša Mali, le soutien d’Aleksandar Vučić à Emmanuel Macron devrait être officialisé ce samedi alors que le Premier ministre serbe doit prendre la parole au meeting du candidat d’En Marche prévu à Marseille. Avant le dîner prévu avec Christian Estrosi, les trois hommes assisteront également au match Marseille-Dijon au stade Vélodrome. « Il devrait y avoir de l’ambiance », se réjouit d’avance Siniša Mali. « Nous allons retrouver dans les tribunes Robert Hue, Xavière Tiberi, Manuel Valls et François de Rugy. Il y aura même le député européen Renaud Muselier, qui est le cousin du roi Leka d’Albanie, ce qui montre combien Aleksandar Vučić et Emmanuel Macron sont attachés à la réconciliation régionale ! »

Ivica Dačić appelle à voter pour Ljubiša Preletačević Beli

Ivica Dačić, ministre des Affaires étrangères et président du Parti socialiste de Serbie (SPS) n’a pas caché son « énervement » et son « inquiétude » à la veille du probable désistement d’Aleksandar Vučić. « S’il ne se présente pas à la présidentielle, j’appellerai tous les Serbes à voter massivement en faveur de Ljubiša Preletačević Beli, le seul candidat qui propose clairement une manière de retourner sa veste. Je viens d’ailleurs d’appeler Vladimir Poutine qui m’a certifié qu’il n’avait aucune objection à ce choix ».

Alors que le candidat du mouvement T’as Goûté Mes Choux Farcis (Sarma probo nisi, SPN) est déjà crédité de plus de 10% des intentions de vote, le soutien du SPS pourrait lui permettre de se qualifier aisément pour le second tour.