Blog • Jour de tournage à Banja Luka

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Du 1er au 8 mars, 25 étudiants français, suisses et bosniens se sont réunis en Bosnie-Herzégovine pour réaliser ensemble une dizaine de reportages. Au milieu de la semaine, deux jours entiers consacrés au terrain : les groupes collectent des témoignages et des images.

Par Annika Will

"Le sociologue a confirmé le rendez-vous !" se réjouit Anja, étudiante de Sarajevo. Son groupe fait un reportage vidéo sur le phénomène de la "Yougonostalgie". La veille, ils ont déjà rencontré les membres de l’association Tito de Banja Luka dans leurs locaux richement décorés de souvenirs de l’époque yougoslave.

Anja, Goran et Léo espèrent maintenant que ce professeur en psychologie sociale pourra leur en dire plus : Les yougonostalgiques de Bosnie-Herzégovine sont-ils nombreux ? Le phénomène touche-t-il plutôt les personnes âgées qui ont elles-mêmes vécu cette époque-là, ou bien les jeunes qui la connaissent à travers les récits de leurs parents et grands-parents ?

Chacun des entretiens apporte de nouvelles informations et d’autres points de vue qui enrichissent les enquêtes. Lucie, jeune diplômée française, et Nina, étudiante à Sarajevo, travaillent sur les mouvements féministes en Bosnie-Herzégovine. Ici, le mouvement #MeToo n’a pas eu la même ampleur qu’ailleurs.

"Le but de ce reportage est de comprendre pourquoi la société bosnienne a échappé au mouvement de libéralisation de la parole des femmes, mais aussi de donner la parole à celles qui font avancer la situation sur place ", avait expliqué Lucie lors de sa candidature. Avec Nina, elle s’est donc mise à interviewer des activistes à Banja Luka ou via Skype.

Chaque rencontre concrétise un peu plus leur recherche : "On a vraiment une évolution des idées et des pensées", remarque Nina. Lucie explique : "Je me rends compte que j’avais plein de préjugés occidentaux en tête. Pendant l’entretien avec une activiste de Sarajevo, j’ai compris que l’histoire des mouvements féministes n’est pas du tout la même en la France et les pays post-communistes."

Sur le terrain, être un(e) bonne journaliste ne suffit pas pour réussir ses interviews : La plupart sont menées en BCS (Bosnien/Croate/Serbe), une langue complètement inconnue pour celles et ceux qui viennent de France ou de Suisse. Heureusement qu’ils font équipe avec leurs camarades bosniens. Ces derniers ont la lourde tâche de contacter les interlocuteurs puis d’interpréter et de traduire leurs propos. Deux métiers que ces étudiants en langue et littérature françaises ne connaissent presque pas. C’est une vraie révélation pour certain(e)s, comme Marina. Elle étudie le Français à Sarajevo depuis 5 ans. "J’aime bien la langue, mais les cours sur la littérature et la grammaire n’ont jamais été une passion pour moi", dit-elle, "mais je crois que le métier d’interprète pourrait vraiment me plaire."

Lors des entretiens, elle interprète d’abord les questions de sa coéquipière française en BCS, ensuite elle lui explique rapidement ce que répondent les interlocuteurs. Il faut écouter, prendre des notes et faire un tri entre les informations essentielles et celles qui sont moins importantes pour la suite de l’interview. Pas facile pour quelqu’un qui n’est pas (encore) tout à fait professionnel.

"Marina a vraiment du talent", affirme Élise, jeune journaliste française qui a fini son master à Grenoble et travaille en groupe avec Marina et une autre étudiante bosnienne. Elles reviennent du tournage d’une interview avec un homme politique. "Avant l’entretien, on a parlé de la langue de bois", explique Élise. De quoi aider Marina à savoir quelles informations elle peut laisser de côté quand elle résume les réponses pour "sa" journaliste : "Il y avait plein de moments où il disait des choses qui ne répondaient pas à notre question. Alors je n’avais pas besoin de traduire ces choses-là pour Élise."

Après deux jours, tous les témoignages et autres informations sont recueillis, les photos sont prises. Il ne reste plus qu’à les transformer en reportages.