Sous la direction de Christophe Colera

Une communauté dans un contexte de guerre : la « diaspora » serbe en Occident

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Christophe Colera a dirigé un très riche ouvrage sur la diaspora serbe, souvent évoquée pour son nationalisme supposé, mais rarement étudiée. En plus d’aperçus intéressants sur les communautés serbes en Allemagne (Stefan Lutz et Robert Schlickewitz) et aux USA (Vladimir Grecic), les auteurs analysent les fonctionnements idéologiques et politiques de ces communautés, et leurs relations avec la « mère patrie ».

Dans une vaste évocation historique, Bernard Lory analyse « le thème des migrations dans l’historiographie serbe », depuis la « Grande migration » du Kosovo en 1690. Dans les Balkans, l’ancienneté d’occupation d’un territoire, la protochronie, est pourtant toujours évoquée en renfort des arguments politiques. Le peuplement serbe se caractérise cependant par sa grande dispersion géorgraphique.

Diane Masson consacre une riche étude aux « tentatives de manipulation de la mère patrie : Slobodan Milosevic et la diaspora serbe, 1990-2000 », rappelant que pour les franges les plus politisées de la diaspora, notamment les émigrants politiques d’après 1945, Milosevic a d’abord été perçu comme un communiste, donc un adversaire. Le régime de l’ancien maître de Belgrade s’est d’ailleurs toujours méfié de la diaspora, refusant de lui accorder le droit de vote, comme cela fut le cas en Croatie. Un revirement notable ne s’est opéré qu’à l’occasion des bombardements de l’OTAN en 1999, la diaspora « serrant les coudes » autour du pays attaqué. Dans le même temps, la diaspora s’engageait aussi plus nettement aux côtés de l’opposition démocratique.

Marina Glamocak analyse également « la diaspora et son capital idéologique », évoquant les différentes strates historiques de cette diaspora, depuis les monarchistes ayant fui le pays en 1945, jusqu’au gastabeiters des années 1960 et 70. Elle rappelle que les émigrants « politiques » d’après 1945 étaient beaucoup plus souvent des Serbes de Croatie et de Bosnie que de Serbie. Cependant, la référence à la « Grande Serbie » n’a jamais formé, chez ces communautés exilées, un véritable programme politique.

Christophe Colera résume le résultats d’une enquête de terrain auprès des communautés serbes de France, montrant comment les guerres des années 1990 ont favorisé une homogénéisation idéologique autour de la Serbie, « dénigrée » dans les médias français. Dans sa préface, Jean-François Gossiaux rappelle d’ailleurs l’importance des ascriptions, c’est-à-dire des identifications externes, par les sociétés d’accueil.


SOMMAIRE

Préface - Jean-François Gossiaux

Introduction - Christophe Colera

Première partie : le contexte général de l’émigration serbe vers l’occident

Chap. 1 : Le thème des migrations dans l’historiographie
serbe - Bernard Lory

Chap. 2 : Les tentatives de manipulation de la « mère
patrie » : Slobodan Milosevic et la diaspora serbe,
1990-2000 - Diane Masson

Deuxième partie : La situation de populations serbes en Europe occidentale et aux Etats-Unis

Chap. 3 : La diaspora serbe en Allemagne -
Stefan Lutz et Robert Schlickewitz

Chap. 4 : Constructions identitaires et engagement
politique des Serbes en France ou Français d’origine
serbe dans les années 1990 - étude exploratoire en
région parisienne - Christophe Colera

Chap. 5 : L’émigration politique serbe et son capital
idéologique - Marina Glamotchak

Chap. 6 : La communauté émigrée serbe aux Etats-Unis -
Vladimir Grecic