Dan Lungu

Le Paradis des Poules

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Par Anne Madelain

Le Paradis des Poules malicieusement sous titré « faux roman de rumeurs et de mystère », nous entraîne dans la Roumanie de la « transition », celle d’après la révolution. Les « héros » en sont les habitants majoritairement retraités de la rue des Acacias, une rue périphérique d’une ville de province.

Parmi eux, Mita, l’ancien ouvrier métallurgique qui raconte comment il s’est rendu au « Palais » pour rencontrer le Camarade Ceaucescu. Hleanda, la folle de la rue, qui recueille les chiens abandonnés lors de la destruction des vieux quartiers et erre la nuit en appelant la fin du monde ; le « Ticu », le patron du « Tracteur chiffonné », le bar où toutes les rumeurs et les hommes convergent. Un tenancier qui fait crédit et ne sert que de l’alcool, c’est-à-dire « tout ce qui a des degrés et ne tue pas ». Aurora qui tricote sans regarder son ouvrage, scotchée à sa fenêtre, comme si c’était la télévision, et qui sait toujours qui fait quoi dans la rue... Tout un petit monde de laissés pour compte de la future société de consommation que Lungu dépeint avec verve. Mesquineries, petites jalousies, nostalgie du communisme et souvenir des temps tragiques, pimentent des épisodes burlesques et tragiques écrits dans une langue savoureuse.

Mais en fait, le véritable héros du roman, c’est la rue des Acacias elle-même, une rue qui s’emplit de toutes les rumeurs comme « une marmite pleine de gros bouillons », y compris celle de sa propre disparition, annoncée par les stocks de gros tubes que les camion déposent dans les années 80 à proximité du dépôt d’ordures (et que quelqu’un finit un jour par identifier comme liés à la « systématisation »).

Une rue qui n’aime ni les nouveaux, comme cette femme venue de Bucarest épouser un des jeune homme de la rue, ni les hautains comme ce Colonel qui construisit après la révolution la plus grosse maison du quartier (mais sur l’ancien dépôt d’ordures justement ! ce que tout le monde s’était bien gardé de lui dire).

L’auteur, sociologue de formation, livre ici un « concentré de mentalité » et balade un regard tendre et ironique sur la grandeur et la petitesse humaine. Réjouissant !