L’expression de nettoyage ethnique est apparue lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine et est devenue de plus en plus courante. Cette formule manque pourtant toujours d’une définition précise. On a d’ailleurs pu la critiquer comme un euphémisme pour désigner des génocides. Pourtant, la politique de « nettoyage ethnique », dont le but est de modifier la répartition des populations par l’usage de la terreur, est plus souvent fondée sur l’expulsion des populations visées que sur des massacres de grande ampleur.
Le premier mérite de l’ouvrage de Stéphane Rosière, géographe à l’Université de Nancy II, est assurément de prendre le temps de réfléchir sur le sens des mots, dont l’usage se révèlent souvent si imprécis et si périlleux. Son second mérite est de mettre en perspective historique les phénomènes de nettoyage ethnique, qui n’ont épargné aucun continent et peuvent être retrouvés jusque dans les périodes les plus reculées.
L’auteur établit même une typologie des nettoyages ethniques, distinguant ceux qui affectent le Core (centre) et ceux de la périphérie. Il relie en permanence le phénomène de nettoyage aux phénomènes sociaux, politiques ou économiques et - comme dans le cas de la formation des États balkaniques, longuement étudiée - aux conditions de la statogenèse. Le géographique rappelle ainsi que le nettoyage ethnique est une manière de conditionner le peuplement d’une région.
Un livre essentiel pour comprendre un phénomène souvent mal analysée dans l’ensemble de sa complexité historique.
