Danilo Kiš (avec Mirjana Miocinovic et Pascale Delpech)

Le luth et les cicatrices

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« Je suis un bâtard venu de nulle part », écrivait Danilo Kis, né en 1935 d’un père juif hongrois et d’une mère orthodoxe monténégrine. La publication, six ans après sa mort à Paris, de deux ouvrages de l’écrivain « yougoslave » ne devrait pas passer inaperçue... Un recueil de nouvelles - dont deux inédites -, Le luth et les cicatrices tout d’abord, retrouvées dans les manuscrits de l’auteur. Cinq petits bijoux, écrits entre 1980 et 1986. On y retrouve la profonde aversion de l’écrivain pour la « pure invention » ; sa volonté de mêler fiction et fait ; son écriture ciselée, exigeante ; sa poésie et son incontournable ironie qui lui permit d’aborder sans pathos les thèmes du stalinisme et du nazisme.

« L’ironie est le seul moyen de lutter contre l’horreur de l’existence », déclara- t-il lors d’une interview figurant dans Le résidu amer de l’existence (Fayard), un choix d’entretiens, accordés par Kis à des journalistes yougoslaves et étrangers de 1972 à 1989, qui se révèle une véritable radioscopie de l’écrivain et de son œuvre. « Le devoir de l’homme, surtout de l’écrivain, c’est de quitter ce monde en laissant derrière lui non pas une œuvre, tout est œuvre, mais un peu de bonté, un peu de savoir », fait-il dire au vieux Nikolaï Aleksinski dans Le luth et les cicatrices. En ce qui concerne Kis, c’est chose faite.