Aleksandar Gatalica

Roman • À la guerre comme à la guerre !

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« La Grande Guerre »... C’est de la bouche d’un mort que le médecin légiste Mehmed Graho, officiant à Sarajevo au lendemain du 28 juin 1914, entend ces mots. Et quel mort : l’archiduc François-Ferdinand en personne, tué en pleine rue avec son épouse, maintenant gisant sur sa table d’autopsie. C’est ainsi que la Grande Guerre a commencé pour Mehmed Graho... et ainsi que commence un roman d’un genre nouveau, où s’entremêlent dans une époustouflante orchestration les vies de soixante-dix-huit protagonistes, réels ou fictifs, figures historiques de cette Belle Époque si confiante en son avenir, ou anonymes de tous les pays engagés : Guillaume Apollinaire ou Jean Cocteau en France, un commerçant d’épices à Istanbul, Hans Dieter Uis, chanteur d’opéra, et Fritz Haber, inventeur du gaz moutarde en Allemagne, un gratte-papier du Pester Loyd en Hongrie, le père Donovan en Angleterre, le roi de Serbie et son fils Alexandre, le neurochirurgien russe Sergeï Cestuhin et son héroïque épouse, commandants et officiers des armées de tous bords, chanceux et malchanceux innombrables, démobilisés, revanchards, collaborateurs, espions...

Histoires vraies et extraordinaires, des chroniques tour à tour saisissantes, émouvantes ou décalées donnent à voir toutes les faces d’une époque brutalement plongée dans le chaos. Du début à la fin du conflit, tous ces destins humains forment une trame indémêlable où se tisse, au rythme toujours plus ravageur de la guerre, l’effondrement de toute une génération ; de la prophétie du Commandant en chef de l’armée serbe : « il va y avoir du grabuge », jusqu’à l’entrée en scène du criminologue Archibald Reis, conscience morale de l’année 1918 et de toute la Grande Guerre.

L’érudition de l’historien et le formidable talent du romancier tiennent en haleine au fil d’un récit envoûtant qui bouscule les frontières de la réalité et de la fiction. Aleksandar Gatalica semble emprunter autant à La Grande Illusion de Renoir qu’à À l’ouest rien de nouveau de Remarque ou au cubisme de Guernica, mais surtout il ose réinventer l’Histoire sans la déformer, usant d’un humour grotesque ou surréaliste, d’images insolites aussi belles qu’incongrues, d’une touche de folie, comme un coup de baguette magique pour mieux y transporter son lecteur.