Par la rédaction
(Avec Euronews) - « Dans les Balkans, je suis le premier artiste venant d’un milieu musulman à se dire publiquement gay », pose d’emblée Dante Buu. Né en 1987 à Rožaje, tout au nord du Monténégro, près de la frontière avec la Serbie et le Kosovo, il a grandi avec un fort sentiment de solitude. « Je viens de deux minorités, j’étais sans arrêt harcelé et humilié quand j’étais enfant. » Alors pour trouver du réconfort, le jeune homme se plonge dans la littérature et le cinéma. C’est à l’âge de 14 ans que Dante Buu dévoile à ses parents son homosexualité. Compréhensifs, ceux-ci lui offrent tout leur soutien.
Depuis, Dante Buu est devenu un artiste reconnu et en ce moment il représente le Monténégro à la Biennale de Venise. Dans ses œuvres mariant la vidéo, la performance, la photographie, le texte et la broderie, le trentenaire questionne les notions d’aliénation, de sexualité, d’intimité et d’identité.
L’une de ses performances les plus remarquées s’appelle The Winner Takes It All, présentée en 2015 au
Mais Dante Buu expose également ses pièces de broderie. « C’est un artisanat qui est dénigré », explique-t-il. « Si tu es pauvre dans un pays comme le Monténégro, tu dois faire quelque chose et les femmes faisaient ça. Ça fait aussi partie de la dot, c’est le genre de travail des femmes qui a été invisibilisé. » Pour la Biennale, Dante Buu a invité sa mère à créer une broderie où ils commencent chacun à un bout et finissent par se rencontrer au milieu. C’est en 2014 qu’il a commencé à coudre. Son père était tombé d’un cerisier et en attendant qu’il sorte du coma, sa mère, ses tantes et sa grand-mère brodaient une pièce en noir qui a fini par mesurer deux mètres de large.
« Je suis obsédé par la question du temps et ce que cela signifie pour les œuvres d’art », avance Dante Buu. « Avec la performance, on ressent le temps qui passe, mais l’œuvre est éphémère. Avec la broderie, on voit le résultat mais on n’a qu’une idée fugitive du temps passé à la production. » La première de ses broderie lui a pris quatre ans.
Dante Buu présente cinq de ses œuvres à la Biennale de Venise, jusqu’au mois de novembre prochain. Une exposition internationale très forte pour l’artiste originaire de Rožaje. Mais pas question pour lui de céder un pouce de son identité artistique en vue de séduire le grand public. « On demande souvent aux artistes de dire qui les a influencés, souvent des artistes hommes, hétérosexuels. Mais l’histoire de l’art, ce n’est pas ça. » Avant de lâcher : « Je me défends en ayant conscience de là où je viens, face à un monde de l’art où il y a bien des abus, notamment à l’égard des artistes. »