Aleks Wasieczko et Gil Guardiola

Kosovo, fragments d’impacts

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Kosovo/Kosova. Le tintement des glorioles célestes. Une verrue sur la carte du monde. Une terre d’enjeux que se disputent deux communautés. Deux lectures divergentes du passé. Deux têtes sur un même tronc.
Et l’aigle bicéphale qui crie sur l’étendard albanais.

Kosovo/Kosova. C’est selon. Selon qui on est. La province est le cœur d’affrontements entre deux discours nationaux. D’un côté les Serbes, de l’autre les Albanais.

Je ne fais que passer. J’essaie de saisir ça et là quelques bribes de discours, quelques mouvements, quelques leitmotive. On m’interpelle, on me témoigne, on m’inclut.

Dossier de presse

Extraits de la préface de Jean-Arnault Dérens

Aleks et Gilles ont fait le choix courageux, difficile, déstabilisant, de remettre en cause leurs idées de départ, les visions du Kosovo qu’ils avaient en arrivant. Bien rares sont les voyageurs qui arrivent ainsi à se débarrasser des images mentales qu’ils emportent dans leurs bagages et qui, trop souvent, déterminent toujours leur vision du pays où ils séjournent. Souvent, on ne voyage que pour vérifier si la réalité ressemble suffisamment aux cartes postales que l’on collectionne.
(...)

Le Kosovo a souvent mauvaise presse. En plus d’être l’éternelle « poudrière des Balkans », il serait misérable, pollué et dénué de tout charme. Aleks, Gil et moi faisons partie du club, très élitiste, des gens qui aiment le Kosovo, des happy fews qui ont appris à regarder les cieux sur la plaine de Kosovo, les montagnes du Sharr ou les collines de Drenica. Aleks et Gil ont arpenté des dizaines, voire des centaines de fois la route sinueuse qui mène de Mitrovica à Leposavic. Je gage qu’ils ont dû, au moins quelques fois, s’arrêter saisis d’émerveillement par la beauté de ce fond de vallée. Pour entrer dans ce club très select des Kosovophiles, il ne suffit pas d’avoir quelques dispositions contemplatives. Il faut surtout accepter l’idée que la réalité n’en finira jamais de se morceler et de s’éloigner, que les vérités que l’on croit découvrir aujourd’hui seront démenties demain.

Durant la guerre de 1998-1999 et ses lendemains immédiats, beaucoup de vérités définitives ont été écrites en France à propos du Kosovo. L’artillerie lourde des condamnations morales a retenti : impérialisme, génocide, révisionnisme... Ensuite, les pétitionnaires si prompts à pontifier sur des sujets qu’ils ne connaissent pas ont vite oublié le Kosovo, si triste et si « décevant ». Ces Albanais, parés hier de toutes les vertus morales, campées dans le rôle de victimes par excellence, se révélaient, eux aussi, capables de commettre des crimes, de professeur la haine et l’intolérance. Il y a beaucoup d’amour déçu dans les sévères condamnations morales qui ont plu après les émeutes et les pogroms anti-serbes de mars 2004. En fait, bien rares sont les tentatives de compréhension réelle de la diversité du Kosovo, des innombrables traumatismes historiques qui s’entrechoquent sur ce petit territoire.
(...)

Le Kosovo est, à nouveau, l’un des théâtres privilégiés du combat de boxe que se livrent Russie et USA. L’Europe, comme toujours divisée, a pris place dans les tribunes, et chacun de ses États membres soutient l’un ou l’autre des deux champions. Le rôle des Serbes et des Albanais se réduit à nettoyer le ring et, naturellement, à encaisser les coups perdus. Alors que les rhétoriques nationalistes continuent d’empoisonner l’atmosphère comme une musique de fond que plus personne n’écoute, les Serbes préparent, pour la plupart d’entre eux, leur exode vers la Serbie, tandis que les jeunes Albanais rêvent tous d’obtenir un visa pour l’Allemagne, la Suisse ou l’Amérique...

Les photographies de Gil et les textes d’Aleks en disent beaucoup plus sur cette irréductible complexité du réel que nombre d’articles, de livres ou de mémoire qui ont pris au sérieux, au pied de la lettre, les dispositifs idéologiques produits par les propagandes - qu’il s’agisse de la propagande de guerre de l’OTAN en 1999, ou des discours nationalistes d’un camp ou de l’autre.

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