Blog • Les syndicats sud-africains attaquent en justice le businessman croate Danko Končar

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Le Syndicat sud-africain des mineurs et du bâtiment (AMCU) accuse Danko Končar d’avoir détourné 1,9 millions de dollars par un ingénieux recours aux société écrans, aux transferts de bénéfices, aux paradis fiscaux. Déjà épinglé par la justice en Finlande, Danko Končar se retrouve devant la justice sud-africaine. L’homme d’affaires possède également les chantiers navals de Croatie.

Danko Končar
(Capture d’écran)

Les journalistes d’investigation du site sud-africain AmaBunghane - du nom zoulou du bousier, cet insecte qui fouille la bouse de vache pour se nourrir - dans un long article essayent de démêler l’imbroglio financier qui a permis à Danko Končar, le roi du chrome, de détourner des millions de dollars à son profit. Leur enquête a été reprise par le quotidien Daily Maverick de Johannesburg.

L’affaire a commencé en 2005 quand la compagnie Karmas de Danko Končar achète aux multinationales américaines BHP Billiton et Anglo American la compagnie minière sud-africaine Samancor-Chrome, avec l’aide financière d’IRM, un conglomérat appartenant à trois oligarques kazakh, pour 469 millions de dollars. En 2007, Karmas revend Tubatse Chrome, une filiale de Samancor, au conglomérat chinois Sinosteel pour 225 millions de dollars, mais la moitié de cette somme passe directement sur le compte de la compagnie Karmas, domiciliée aux Iles Vierges britanniques, via la banque sud-africaine Nedbank, qui se trouve être la banque de Samancor. Cette vente va priver les petits porteurs d’action de Samancor, en particulier les mineurs noirs bénéficiant de la politique de discrimination positive (Black economic empowerment) de leurs dividendes.

Un accord confidentiel faisait de Karmas l’unique agent commercial des produits de Tubatse avec une commission de 9% sur les bénéfices, par un habile subterfuge de transfert de bénéfices et d’évasion fiscale vers une société écran établie à Malte, Samchrome, qui a permis à Karmas de siphonner des millions de dollars à la société sud africaine Samancor, à ses petits actionnaires et au fisc sud-africain. Samchrome, la compagnie maltaise n’avait aucun employé, selon les révélations faites par un ancien directeur de Karmas

C’est en effet un ancien directeur de Samancor, Miodrag Kon, qui a vendu la mèche de toutes ces combines en livrant au tribunal de Johannesburg une masse de documents confidentiels, en appui à la plainte déposée par le syndicat sud-africain. Les fameux Panama Papers avaient aussi révélé comment Danko Končar avait pris le contrôle d’Afarak, une compagnie finlandaise, prise de contrôle illégale sanctionnée par une amende de 110 millions de dollars infligée par la justice finlandaise.

Selon l’ancien directeur de Samancor, les principaux actionnaires auraient volé plus d’un million de dollars à Ndzini Trust, un actionnaire minoritaire qui représentait les intérêts des mineurs sud-africains depuis 2007. C’est la première fois qu’un tribunal sud-africain est amené à examiner la plainte d’un syndicat pour fraude fiscale et prise illicite d’intérêts contre le patron d’une compagnie minière.

Le liquidateur de l’industrie navale croate

En Croatie, Danko Končar est actif depuis 2006 dans le tourisme, notamment en Istrie. Néanmoins, plusieurs de ses projets ont échoué, notamment celui d’une marina à Lošinj. Il a ensuite conçu sans plus de succès, avec l’acteur Brad Pitt, un projet de resort en face des îles de Brijuni.

Il est surtout connu pour ses investissements dans la construction navale, rachetant les chantiers navals de Trogir (Brodotrogir), puis reprenant les chantiers navals d’Uljanik à Pula, de Kraljevica et du 3 Maj à Rijeka. Il expliquait alors qu’il avait besoin de navires pour exporter le chrome de ses mines sud-africaines. Mais les chantiers ont bien vite été mis en liquidation, avec leurs 4 500 employés directs. Depuis le printemps 2019, des grèves affectent également Brodotrogir, où les employés sont restés plusieurs mois sans toucher leurs salaires.

Danko Končar est né en 1943 à Zagreb. Diplômé de la Faculté électrotechnique, il est embauché par la firme Jugoturbina Commerce, dirigée par l’un de ses cousins, comme l’explique le tportal.hr]. Sa carrière s’interrompt brutalement le 5 novembre 1976, quand il est arrêté pour malversations. Au terme d’un procès qui voit défiler des dizaines de témoins, notamment des partenaires étrangers de l’entreprise, il est condamné à douze années de prison. Libéré au bout de huit ans, il est embauché par l’entreprise zagréboise Tehničar, qui l’envoie bientôt à l’étranger pour une spécialisation, mais il se fait alors embaucher par un concurrent sud-coréen. C’est alors que Danko Končar se flatte d’avoir gagné son premier million...