Blog • Le retour au bilatéralisme, une régression dans l’intégration européenne

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Du multilatéralisme au bilatéralisme en Europe, un pas en arrière, ou le risque de la perte de la concertation intérieure face aux défis globaux.

Au sommet de Berlin, le 29 avril dernier.
© Behgjet Pacolli ‏(Twitter)

En temps de crise c’est normal de se retrouver face à des phénomènes de repliement sur soi-même. Les exemples sont nombreux, le Brexit, la politique extérieure des Etats-Unis, la monté du populisme dans les discours politiques nationaux partout en Europe.

Mais un autre exemple est le retour au bilatéralisme au détriment du multilatéralisme. L’Union européenne est une organisation multilatérale, laquelle, même dans les moments difficiles, où la politique souhaitable à suivre serait celle du « Beggar thy neighbourgh », ou celle de s’enrichir aux dépenses du voisin, elle propose au contraire une enceinte où discuter des intérêts communs pour trouver peut être des solutions valables et surtout utiles pour tous.

En alternative, on fait un pas en arrière et on stipule des accords entre groupes de pays ou encore entre deux pays uniquement. L’Europe Franco-allemande de la rencontre Macron-Merkel du 29 avril dernier à Berlin au sujet des Balkans, mais encore plus le traité d’Aix-la-Chapelle signé en janvier dernier, en sont des exemples. Cependant, à l’intérieur d’un projet plus vaste d’intégration, comme celui européen, le moindre dommage que le retour au bilatéralisme puisse faire est de faire des jaloux.

Deux chefs d’Etat se rencontrent pour parler du futur des élargissements de l’Europe et les exclus s’en plaignent, pourtant historiquement l’axe franco-allemande a toujours été à la base du processus d’intégration, l’une des raisons pour lesquelles la Communauté du charbon et de l’acier a été créée en 1951, c’était justement celle de mettre ensemble l’acier et le charbon de France et Allemagne pour qu’il puissent cesser les convoitises territoriales réciproques.
Toutefois, aujourd’hui dans les conditions actuelles, le recours au bilatéralisme est justifié uniquement comme propulseur, voire comme provocation, mais les défis globaux nécessitent d’autre instruments d’action.

La perte de l’adjectif communautaire

Les progressifs élargissements de l’Union européenne ont fait que maintenant il faut faire plus d’efforts pour rejoindre des décisions en commun. Une réforme institutionnelle visant à améliorer les moyens pour trouver l’accord à plusieurs passe forcément par l’introduction du vote à la majorité dans plus de domaines que ceux où elle s’applique maintenant. C’est qui est rappelé par une étude approfondie commissionnée par le Comité parlementaire qui s’occupe des affaires constitutionnelles au Parlement européen. On peut lire dans l’étude approfondie « As the diversity of political interest increases with the accession of new member State, the capacity to act of the UE institutions is likely to decrease, unless the decision-making rules are modified so as to promote the ‘ease of action’. »

Cette facilité d’action est, l’on peut lire plus avant la base pour réaliser “ ... the original raison d’être … [de l’Union européenne] namely to provide an institutional apparatus that can perform more effectively certain common tasks that the Member States can no longer adequately perform themselves ».
La théorie de la nature consortiale des organisations internationales
La nature des organisations internationales serait celle d’être un instrument pour faire à plusieurs et mieux ce qui est dans les intérêts de tous et qui serait mal fait par chacun de son côté. Celle-ci en bref est la nature consortiale des organisations internationales, une théorie esquissé à la moitié des années cinquante et formulée complètement à la fin des années soixante par le Professeur Giuseppe Biscottini.

Au moment de la création de la théorie, la CECA, la Communauté européenne du Charbon et de l’acier venait d’être créée (le 23 juillet 1952) et la CEE, la Communauté économique européenne devait encore naître (1er janvier 1958). Le Professeur Biscottini formule cette théorie à partir du droit international privé, n’existant pas à l’époque ni du droit communautaire, ni du droit de l’Union européenne.

On était encore tout au début du multilatéralisme qui était représenté au niveau mondial uniquement par les Nations Unies. En Europe on venait de créer des organisations internationales locales, lesquelles essayaient de faire du multilatéralisme, certes on pourrait dire du multilatéralisme à « petite vitesse », étant donné que les participants étaient six à l’époque, d’ici probablement la formulation de la théorie de la nature consortiale, qui s’adaptait mieux à une réalité de petite envergure.

On touchait là un nombre de participants qui pouvaient bien coïncider avec celui d’un consortium créé exprès pour gérer des travaux de canalisation en commun, comme dans l’exemple du Professeur Biscottini, parce ce qu’il serait plus pratique et plus efficace que le faire autrement.

Aujourd’hui on peut se demander si la théorie du consortium en-soi est-elle encore viable à l’époque de la grande échelle, l’Union européenne d’aujourd’hui, et surtout dans la situation actuelle de crise économique et politique diffusées.

Consortium et consensus, une même racine linguistique, dont le significat aurait-il été perdu ?

Cependant, le Professeur Biscottini dans la formulation de sa théorie du consortium, indépendamment de sa taille, ajouterais-je, avait souligné qu’en ayant à satisfaire un besoin collectif, le consortium finit par personnifier la collectivité et ses intérêts à elle face aux intérêts particuliers, et encore que c’est à travers le consortium que les besoins particuliers se transforment en collectifs.

Un pouvoir transformateur et au même temps de service qui garde sa valeur en soi, une fois que l’on a créé le consensus et qui est de service dans la mesure où il consent de fournir de l’“administration sociale”, exercée par le moyen de la coordination et de la proposition, encore une fois la recherche du consensus.
Dans une ouvrage plus tardive, le recueil des notes du cours de droit international qui a eu lieu en 1970-1971, il définit ultérieurement la complexité des intérêts en jeu en les classant en intérêt uti singuli (ceux typique des Unions d’états qui permettent une unicité de conduite et une effective coïncidence d’intérêt, comme si c’était dans les faits des intérêts particuliers) et uti universi (ou des besoins communs à tendance universelle qui sont confiés à une organisation qui soit à même de dépasser les intérêts particuliers pour un intérêt autre). Les organisations internationales deviennent un tout premier exemple dans l’ordre international d’un sujet publique qui crée une finalité collective et sociale, dans une communauté, j’ajouterais, celle des Etats laquelle par sa nature est anarchique, et qui essaye de la satisfaire en réalisant une administration, où une structure apte à réaliser ces besoins..
D’ailleurs, dans l’essaie de 1953 le Professeur Biscottini conclut en disant que « il y a en cours de réalisation un droit international direct à consentir aux Etats de soigner de façon consortiale la poursuite de leurs finalités administratives ; il y a potentiellement un passage de ces finalités à partir d’enceintes plus ou moins ample à toute la communauté, il y a enfin une activité administrative internationale qui produit des effets directs dans l’ordre intérieur ».

On était là tout au début du droit international des organisations internationales avec une toute première intuition de celui qui deviendra dans le temps l’effet direct du droit communautaire dans les Etats membres. Le paradoxe aujourd’hui est le risque de faire un pas en arrière, au lieu d’un pas en avant dans le droit des organisations internationales, où celui de retourner au droit international privé.

Revenir au droit international, c’est un pas en arrière

Dans l’étude approfondie du Parlement europeen ont peut lire que parmi les nombreuses formes de flexibilité dans le processus d’intégration qui ont été adoptée dans les faits pour venir à l’encontre du Royaume-Uni, rappelé comme un Etat peu soucieux du processus d’intégration, il y a aussi le recours aux accords de droit international bilatérales ou intéressant uniquement un groupe de pays qui voudraient avancer dans l’intégration, en utilisant toutefois des moyens extérieurs à l’Union, donc forcément moins fiable au niveau démocratique, de transparence où de contrôle juridique, bien que la primauté du droit européen serait indiscutable.

Ce serait du bilatéralisme voulant être au service du multilatéralisme de longue haleine, mais comment être sûrs que ceci sera le cas et non pas quelques chose d’autres, dans l’étude on cite l’exemple vertueux de Schengen, mais on affirme aussi que c’est par une véritable réforme des mécanismes décisionnels intérieurs qu’on ferait vraiment service au processus d’intégration européenne et qu’on permettrait au droit des organisations internationales de progresser au lieu de se replier sur les instrument classiques du droit international.