Le salon ACAS permet de montrer le dynamisme de l’activité artistique albanaise, encore peu con- nue à l’étranger. Cette initiative rare met en lumière une génération de transition encore marquée par une école de peinture académique et un accès partiel aux savoirs, mais résolument ouverte sur l’avenir, dans et au-delà de l’Albanie.
Privés des outils de visibilité tels que le marché ou les institutions, les artistes oscillent entre liberté retrou- vée et résistance à un isolement toujours latent : le régime éphémère des initiatives artistiques ou la tutelle intimidante de figures d’autorité les pous- sent à inventer de nouvelles modalités/mobilités de travail, souvent collectives. Basés à Tirana ou ailleurs (Italie, Autriche), tous souhaitent élargir leurs horizons, convaincus qu’une recherche plastique évolue quand elle peut se “déterritorialiser” librement dans le temps et dans l’espace.
Les treize artistes sélectionnés reflètent ce contexte complexe, qu’ils réinventent par leurs engagements singuliers. Si la tradition de la peinture demeure, le réalisme socialiste, pétri de fantasmes contemporains, devient dans leur pratique un surréalisme autobiographique (Enkeldj Zonja, Leonard Qylafi, Greta Pllana) ou prophète (Gentian Shkurti). Le contexte local inspire - spécifi- cités ethniques de l’artisanat chez Endri Dani, confrontation architecture vernaculaire/société pour Ermela Teli - mais l’art est toujours aussi envisagé dans ses enjeux existentiels : le partage des sens (Yllka Gyollesha), la métaphysique du rêve (Ilir Kaso), la mémoire autobiographique (Fani Zguro), ou l’art comme phénomène (Arber Elezi). Le monde contemporain est enfin questionné à travers la peinture “médiatique” de Marina Sula ou la pratique performative et participative de Driant Zeneli et Klodian Deda.
Si l’exposition tente de cartographier la diversité des visages de l’Albanie contemporaine, elle montre qu’il y a toujours autant de possibilités d’être artiste que d’individus : les personnalités rassem- blées revendiquent avant tout la liberté de créer et d’exister. ACAS nous les révèle ; à nous, profes- sionnels de l’art, de transformer l’essai.
(Alicia KNOCK, Membre du jury de sélection Conservatrice au Centre Pompidou – Paris)
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