Milivoj Srebro

Une anthologie possible de la nouvelle serbe, 1950-2000

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Choix de nouvelles, préface et présentation par Milivoj Srebro

L’anthologie de la nouvelle serbe établie par Milivoj Srebro vient heureusement combler une lacune de l’édition française. Le recueil permet de (re)découvrir quelques petits bijoux de ces classiques universels que sont Borislav Pekic, Aleksandar Tisma ou Danilo Kis. Il permet aussi de lire des textes de Filip David ou de David Albahari. La quinzaine de nouvelles sélectionnées sont bien traduites, bien présentées, et précédée d’une solide notice présentant leurs auteurs.

Comme toute anthologie, ce recueil traduit un choix subjectif, naturellement critiquable. Ainsi, la délimitation chronologique, 1950-2000, laisse un peu sur sa faim : la carrière d’Ivo Andric (1892-1975) ou de Milos Crnjanski (1893-1977) était déjà bien entamée avant la Seconde Guerre mondiale. Et pourquoi s’arrêter à Dragan Velikic ou Svetislav Basara (tous les deux nés en 1953) ? On aurait bien aimé lire des textes de la prose serbe du XIXe siècle, fort méconnue en France, ainsi que des auteurs plus jeunes, comme Vladimir Arsenijevic, Dusan Gojkov ou bien d’autres. On regrette aussi l’absence de grands prosateurs comme Slobodan Selenic ou Mirko Kovac. Est-ce un choix littéraire ou politique ? Les écrivains les plus compromis dans l’euphorie nationaliste des années 1980-1990 (Dobrica Cosic, Vuk Draskovic, etc), évoqués dans la préface, ne figurent pas dans le recueil. Cette préface, signée par Milivoj Srebro, veille à situer les écrivains dans leur temps historique, mais l’on aurait pu souhaiter plus de clarté et de fermeté dans la description de la scène littéraire serbe contemporaine. De même, manque une description d’ensemble des différents espaces culturels : certains auteurs viennent de Croatie, de Bosnie ou du Monténégro. Ivo Andric, d’ascendance catholique, s’est voulu écrivain serbe, et sa place ne saurait être remise en question dans ce recueil. Il faut cependant souligner combien l’univers d’Ivo Andric est lié à sa Bosnie natale. Et comment comprendre Aleksandar Tisma sans le situer dans le contexte particulier de la Voïvodine ?

Malgré ces remarques et ces petits regrets, cette anthologie a pleinement vocation à devenir un livre de chevet pour tous ceux qui s’intéressent aux lettres balkaniques, et il convient de saluer encore une fois l’excellent travail de « passeurs » réalisé par les éditions Gaïa.