Paris (75006)

Colloque international : « Jovan Sterija Popovic, un classique parle à notre temps »

| Du au

Vendredi 24 mars 2006, matinée, Institut d’Etudes slaves,
9 rue Michelet, 75006 Paris
Samedi 25 mars 2006, Centre Universitaire Malesherbes,
108 Boulevard Malesherbes, 75017 Paris

Qui est Jovan Sterija Popovic ?

Jovan Sterija Popovi ? (1806-1856) est né à Vrsac, petite ville de Voïvodine. Son père, aroumain hellénisé était un commerçant aisé ; sa mère, fille du peintre serbe Neškovi ?, communiquera à son fils le goût des livres et de la culture, si bien que, contre la volonté de son père qui voulait faire de lui un négociant, J. S. Popovi ? continuera ses études : après l’école de Vršac, le lycée de Sremski Karlovci, puis Timisoara et l’université de Budapest. C’est à Budapest qu’il découvre le théâtre allemand et les grands auteurs dramatiques, dont Shakespeare et Molière. Il commence à écrire des poèmes (en slavon hybride) à la gloire des peuples des Balkans (Bulgares, Grecs...) en lutte contre les Turcs, puis des drames historiques à thématique nationale serbe. Il participe en 1826 à la fondation de Matica srpska (la Société littéraire serbe, qui joue encore aujourd’hui un rôle important, notamment pour les dictionnaires), qui publiera ses premiers drames et romans. En 1830 il revient à Vršac, où il enseigne le latin, puis, après avoir passé à Bratislava des examens pour être avocat, il se consacre à ce nouveau métier tout en écrivant des pièces.

En 1840 il est invité en Serbie pour enseigner le droit à Kragujevac, alors capitale du prince Miloš. L’année suivante il est nommé directeur au Ministère de l’Education à Belgrade, devenue nouvelle capitale, et s’emploie dès lors à développer l’instruction publique à tous les niveaux. Il participe à la fondation de la Société de littérature (qui deviendra l’Académie serbe des sciences). J. S. Popovi ? travaille à la création de deux théâtres (de la Douane et du Cerf), pour lesquels il traduit (Les fourberies de Scapin, Hernani, Angelo tyran de Padoue) et écrit des drames historiques sur l’histoire médiévale serbe.

L’hostilité de la nouvelle génération des jeunes intellectuels de Serbie à l’égard des Serbes venus d’Autriche-Hongrie (traités de « Souabes ») pousse Sterija à repartir en 1848 pour Vršac. Il va y être témoin des conflits entre les Hongrois, qui cherchent à arracher leur liberté aux Autrichiens, et les Serbes, qui veulent s’émanciper des Hongrois. Partisan de l’entente avec les Hongrois, J. S. Popovi ?, qui ne partage pas le nationalisme effréné de ses compatriotes, est sévèrement jugé par eux, mais n’en doit pas moins prendre avec eux le chemin de l’exil pour Belgrade, lorsque Vršac est prise par les Hongrois au printemps de 1849. Il revient peu après l’écrasement des Hongrois par les Autrichiens et épouse une riche veuve, dont la fortune va lui permettre de se consacrer désormais à l’écriture. Il restera à Vršac jusqu’à sa mort, composant des articles satiriques, un livre de poésies Davorje (= chants patriotiques, épiques ou tristes), dont la conception, plutôt proche d’un « lyrisme objectif », choque les romantiques exaltés de l’époque, et une comédie sur les événements de 1848 Les patriotes.

L’œuvre de J. S. Popovi ? reflète la multiplicité des courants littéraires de son temps et résiste à toute classification schématique : sa poésie est souvent liée au néoclassicisme, son œuvre romanesque relève du sentimentalisme (à l’exception d’un roman parodique étonnamment moderne), ses drames historiques appartiennent au préromantisme, ses comédies et sa prose humoristique procèdent du réalisme.

Ses textes qui ont le mieux résisté au temps sont ses comédies, ses poèmes de la maturité (Davorje), qui seront réévalués dès la fin du 19ème siècle, et son roman dont le titre insolite, Roman sans roman, avec un jeu de mots (Roman est le nom du héros), est en soi un programme d’antiroman : dans cette œuvre parodique, humoristique et satirique, « à la Cervantes », J. S. Popovi ? règle ses comptes avec les romans sentimentaux d’amour et d’aventures chevaleresques, y compris avec ceux qu’il avait lui-même écrits plus tôt ; point de fable dans ce texte où l’action est tout à fait secondaire, et que ne renieraient pas des auteurs contemporains « postmodernes ».

Du vivant de Sterija ses drames historiques, dont il prenait le matériau dans l’histoire nationale (combinant des éléments des chants populaires serbes et de la tragédie shakespearienne) étaient plus populaires que ses comédies, mais seules ces dernières se jouent encore actuellement. On peut les classer en comédies moliéresques (nullement imitées de Molière, mais où l’on peut observer des liens avec des pièces du dramaturge français : A menteur, menteur et demi évoque Les précieuses ridicules, La courge qui se donne de grands airs à la fois Le bourgeois gentilhomme, La comtesse d’Escarbagnas et Les femmes savantes, et L’avare ou Kir Janja.... L’avare, bien sûr), comédies dont le thème est le mariage et la vie conjugale, fondés sur des intérêts matériels et non sur l’amour (La femme méchante, Le mari acariâtre, Sympathie et antipathie et Mariage et vie maritale), comédies courtes (La conciliation ou l’avocat, Tromperie pour tromperie, L’âne magique), deux pièces sur le milieu belgradois (Le destin d’une raison, Belgrade autrefois et maintenant) et une pièce à part sur 1848 (Les patriotes, qui ne sera publiée qu’en 1909 et où Sterija tourne en dérision les pseudo-patriotes serbes, dont la surenchère verbale pour prouver leur patriotisme cache des intérêts bassement matériels). Dans ses comédies, Sterija se fait le peintre de la « bourgeoisie biedermeier » de la Voïvodine de l’époque. Ses pièces reposent en général sur le conflit entre une société patriarcale encore liée à la terre et les nouvelles valeurs d’une génération appartenant à la couche de la société urbaine la plus européanisée. Elles présentent une synthèse de comédie et de satire. J. S. Popovi ? s’écarte des conventions de la comédie dans les dénouements, souvent teintés de mélancolie, où, au lieu du rire et de la catharsis comique, place est faite à la réflexion.

Bien qu’avec Les patriotes Sterija cherche à éduquer comme dans ses autres pièces (« mon intention n’est pas de couvrir le peuple de boue, mais de l’instruire et de lui faire prendre conscience »), il ne s’agit pas moins d’un « corps séparé » dans son œuvre. La pièce surprend d’abord par son thème « sacrilège », tout à fait inhabituel pour une comédie, - le patriotisme, ou plutôt la désacralisation du patriotisme -, et par le courage de l’auteur, qui énonce des vérités fort désagréables sur le commerce des idées patriotiques. Sterija pense qu’il faut influer sur l’état de la société de son temps. L’intention didactique passe au second plan, au profit de la volonté de consigner la réalité (« je n’ai pas inventé »), de réaliser une critique à portée sociale, et d’engager ainsi le lecteur ou le spectateur. Bien que Sterija souligne dans la préface que Les patriotes sont « l’histoire privée du mouvement de résistance serbe », il ne peut, en tant que témoin au regard critique de l’année révolutionnaire 1848, passer à côté d’une évaluation historique de ce mouvement qu’il veut laisser à l’histoire.

Le « père du théâtre serbe » reste l’un des auteurs dramatiques les plus joués en Serbie de nos jours encore, et l’un des deux ou trois écrivains de théâtre les plus importants dans l’histoire de la littérature serbe.

Le colloque

Depuis quinze ans (colloque organisé en 1989 par Michel Aubin sur Vuk Karadži ?), aucun colloque n’a été consacré à la Sorbonne, ni même en France, à un grand auteur des littératures serbe, croate, bosniaque ou monténégrine.

Jovan Sterija Popovi ? est l’un des écrivains serbes majeurs du 19ème siècle. Ses dates de naissance (1806) et de mort (1856) expliquent la programmation d’un colloque en 2006, pour marquer à la fois le bicentenaire de sa naissance et le 150ème anniversaire de sa mort.

Son œuvre, riche et variée, à la fois en phase avec son temps et en avance sur son époque, n’a cessé d’être l’objet de relectures au cours du 20ème siècle. Le colloque se propose de la réexaminer en utilisant les apports les plus récents de l’analyse et de la critique littéraire :

 prose romanesque marquée par le sentimentalisme et le romantisme, mais aussi un étonnant roman, au titre "programme" provocateur de Roman sans roman, dans lequel les postmodernes de la fin du 20ème siècle voient un précurseur, et où l’on trouve des échos du Don Quichotte de Cervantes ;

 poésie relevant du néoclassicisme, puis remettant en cause, voire battant en brèche les thèmes chers au romantisme serbe, notamment le mythe de la bataille de Kosovo ;

 drames historiques « shakespeariens » utilisant des épisodes marquants de l’histoire médiévale des Balkans, mais aussi comédies jouées jusqu’à aujourd’hui avec un grand succès, qui contribuèrent en leur temps à la formation des théâtres nationaux en Croatie comme en Serbie, à Zagreb comme à Belgrade ;

 traductions en serbe, entre autres du français : Les fourberies de Scapin, Hernani...
Les liens intertextuels qu’entretiennent plusieurs de ses comédies (qualifiées par la critique de "moliéresques") avec notre grand auteur national méritent une étude attentive. Il ne s’agit en aucun cas d’adaptations ou de transpositions, même pour L’avare dont J. S. Popovi ? déclarait : « J’ai écrit L’avare pour les Serbes comme Molière l’avait fait pour les Français ».

Les emprunts auxquels J. S. Popovi ? recourt dans ses propres textes, parfois en passant d’un genre à un autre, la réévaluation qu’il effectue de ses propres ouvrages (tournant par exemple en dérision certains romans sentimentaux de sa jeunesse), appellent une étude de ce que l’on peut qualifier d’autotranstextualité.

Le colloque s’intéressera à la réévaluation par la critique de l’œuvre de J.S Popovi ? depuis sa publication jusqu’à nos jours et mettra l’accent sur les aspects les plus modernes de son œuvre. Dans sa comédie noire Les patriotes ne s’attaquait-il pas dès 1850, à propos des combats meurtriers de 1848 en Autriche-Hongrie, au nationalisme serbe, allant jusqu’à parler (déjà !) de "purification ethnique"...

Les organisateurs du colloque travaillent depuis plusieurs années sur cet auteur : Sava Andjelkovic est l’auteur d’une thèse (soutenue en 2001 à PARIS IV-SORBONNE, publiée en 2003) qui a montré comment J. S. Popovi ? avait écrit ses comédies au fil du temps d’abord en pensant à des lecteurs, puis à des spectateurs, avant de parvenir à une synthèse des deux. Paul-Louis Thomas s’est intéressé à la langue et aux positions linguistiques de l’auteur à l’époque de la formation du serbe littéraire moderne, et a traduit en français Les patriotes (préfacé par Sava Andjelkovic, le texte est paru en 2004). Ils ont fait appel aux meilleurs spécialistes en Serbie-Monténégro et en France, mais aussi en Croatie, Allemagne, Autriche et Italie, pour traiter des différents aspects de l’œuvre de Sterija, dans le but de réaliser un recueil de contributions synthétique et d’une haute tenue scientifique.

Sava Andjeljkovic et Paul-Louis Thomas.

Programme officiel prévisionnel

Vendredi 24 mars 2006, matinée, Institut d’Etudes slaves,
9 rue Michelet, 75006 Paris

10h - 10h15 Accueil des participants
10h15 - 10h30 Allocution d’ouverture
10h30 - 12h30

Présidente de séance : Mirjana Mio ?inovi ?

10h30 - 11h Ljiljana Suboti ? (Novi Sad / Zagreb)
« Dans quelle langue écrivait Sterija ? »

11h - 11h30 Dušan Ivani ? (Belgrade)
« Pour une étude morphologique de la prose de J. S. Popovi ? - les textes courts »

11h30 - 12h Dušan Marinkovi ? (Zagreb)
« Comique et grotesque chez J. S. Popovi ? »

12h - 12h30 Milivoj Srebro (Bordeaux)
« L’esprit ludique et les éléments parodiques et satiriques dans Roman sans roman »

12h30 - 14h Déjeuner au Club des Enseignants de Paris IV-Sorbonne

Vendredi 24 mars 2006, après-midi, Maison de la Recherche,
28 rue Serpente, 75006 Paris

14h - 15h30 Présentation des éditions des œuvres de J.S. Popovic publiées par les éditions KOV de Vršac

15h30 - 17h

Présidente de séance : Marija Mitrovi ?

15h30 - 16h Mirjana Stefanovi ? (Novi Sad / Vienne)
« L’œuvre lyrique de J. S. Popovi ? »

16h - 16h30 Petru Kârdu (Vršac)
« La poésie lyrique contemplative de J. S. Popovi ? »

16h30 - 17h Marta Frajnd (Belgrade)
« Variations sur le thème de Kosovo dans l’œuvre poétique, dramatique et en prose de Sterija" (Interprétation du mythe en fonction du genre) »

17h - 17h30 Pause-café

17h30 - 19h30
Président de séance : Dušan Marinkovi ?

17h30 - 18h Nataša Govedi ? (Zagreb)
« Les horizons européens de J. S. Popovi ? »

18h - 18h30 Zorica Nestorovi ? (Belgrade)
« La figure idéale du souverain dans le ’théâtre triste’ de Sterija »

18h30 - 19h Marija Mitrovi ? (Trieste)
« La notion d’ancien et de nouveau dans les comédies de J. S. Popovi ?, B. Nuši ? et D. Kova ?evi ? »

19h - 19h30 Discussion

Samedi 25 mars 2006, Centre Universitaire Malesherbes,
108 Boulevard Malesherbes, 75017 Paris

9h30 - 12h30

Présidente de séance : Mirjana Stefanovi ?

9h30 - 10h Paul-Louis Thomas (Paris)
« Les pièces contemporaines sur J. S. Popovi ? »

10h - 10h30 Snežana Samardžija (Belgrade)
« Les formes de littérature orale dans les comédies de Sterija »

10h30 - 11h Sava Andjelkovi ? (Paris)
« Molière et Sterija »

11h - 11h30 Pause - café

11h30 - 12h Gabriella Schubert (Iéna / Berlin)
« Motifs hongrois dans l’œuvre de J. S. Popovi ? »

12h - 12h30 Patrik Alac (Paris)
« Typologie des germanismes dans l’œuvre de J. S. Popovi ? »

12h30 - 13h30 Buffet campagnard

13h30 - 14h Présentation de l’exposition des affiches et photographies des pièces de J.S. Popovi ? jouées à la Sorbonne

14h - 15h Le Kosovo dans l’œuvre de Jovan Sterija Popovi ?

Lecture de textes de J.S. Popovi ? par les étudiants de l’Atelier théâtre serbo-croate de Paris IV-Sorbonne

15h - 17h30
Président de séance : Dušan Ivani ?

15h - 15h30 Mirjana Mio ?inovi ? (Belgrade)
« Les comédies de Sterija en tant que débats littéraires »

15h30 - 16h Nebojša Rom ?evi ? (Belgrade)
« Eros, dieu sacrifié dans les comédies de J. S. Popovic »

16h - 16h30 Svetozar Rapaji ? (Belgrade)
« Les mises en scène des comédies de J. S. Popovi ? »

16h30 - 17h Vesna Jezerki ? (Belgrade)
« Adaptations cinématographiques et télévisées de Sterija (motifs, personnages et situations) »

17h - 17h45 Discussion et conclusion du colloque.

20h30 Dîner de clôture

Responsables du colloque : Paul-Louis Thomas et Sava Andjelkovic

Colloque soutenu par :

le Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
(programme ACCES),
le Conseil scientifique de l’Université PARIS IV-SORBONNE,
l’Ecole doctorale IV « Civilisations, cultures, littératures et sociétés »,
le Centre de recherches sur les littératures et civilisations slaves

N.B. Les communications sont prévues en serbe-croate-bosniaque