Paris (75019)

« Migrations, les escales du vide » - Dessins d’Elisa Perrigueur

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Le 61 vous convie à la première exposition, « Migrations, les escales du vide », des dessins d’Elisa Perrigueur, réalisés en 2015-2016 sur la route des réfugiés en Europe.

Exposition du 13 au 29 janvier 2017
Vernissage vendredi 13 janvier de 19h à 2h
3 rue de l’Oise, 75019 Paris

« J’ai choisi d’illustrer trois lieux qui avaient, à mes yeux, du sens, incarnant l’exil de milliers de personnes :

 Lesbos-Athènes : En 2015, Lesbos est la porte d’entrée de l’Europe pour de nombreux migrants. Située à une douzaine de kilomètres de la Turquie, l’île grecque de 90000 habitants est devenue une voie de passage. Des milliers de réfugiés ont traversé l’Egée pour accoster au nord de Lesbos. De nombreux bénévoles du monde entier sont également venus prêter main forte. Les plages de galets sont devenues oranges, recouvertes de gilets de sauvetage. La mer azur s’est transformée en cimetière, en raison des naufrages. Des camps de réfugiés se sont imposés sur les hauteurs vertes de l’île. Lesbos est un tableau sombre qui illustre le périple vers l’Europe de l’Ouest. Les migrants ont ensuite poursuivi leur chemin vers Athènes, la capitale grecque, où ils ont rejoint les camps officieux, univers improvisés, avec leurs propres règles.

 Idomeni-Gevgelija : Ces deux villes voisines sont situées au nord de la Grèce et sud de la Macédoine. Elles sont cernées d’étendues où la nature et le vide dominent. Puis, entre deux, une gare d’un autre temps, qui semble à l’arrêt. De lignes de chemin de fer rouillées, de poteaux symétriques qui s’affaissent, de fils électriques qui tranchent le paysage. Du jour au lendemain, un vaste camp de réfugiés s’est installé entre les communes. Des barbelés et des militaires ont investi la frontière désertique. Le vide a laissé place aux tentes, le silence aux cris d’enfants, les talus aux poubelles qui s’entassent. Les migrants ont été soumis à ce quotidien, coincés entre Idomeni, la bourgade de 150 âmes aux maisons abandonnées et Gevgelija, le mini « Las Vegas macédonien » aux casinos clinquants.

 Calais : D’ordinaire, les frontières - que j’ai pu voir - en Europe où s’installent les camps de réfugiés sont des lieux vides. En pleine nature. Loin des villes, on installe ces lieux que l’on ne veut pas voir. Alors Calais fascine : sa frontière est urbanisée, elle est un poumon économique pour la région, avec les infrastructures Eurotunnel et Car ferry, où transitent des milliers de camions entre la France et l’Angleterre. La « Jungle » (tiré du mot persan « djangal », qui veut dire forêt) a tout impacté. Situé dans une ville, en face d’habitations, le camp de migrants a soulevé des problématiques. La cohabitation, notamment, de deux univers : les riverains, dépassés, et les migrants déterminés ou désespérés. Ceux qui sont arrivés à Calais - majoritairement Afghans, Soudanais, Erythréens - ont souvent connu les conflits, la mort. Ils n’ont plus rien à perdre et tentent des traversées périlleuses jusqu’à l’Angleterre. Ce migrant qui cherche à fuir la guerre, est également devenu au fil des mois, malgré lui, un enjeu politique. La situation à Calais, d’où l’on distingue les côtes anglaises à quelque trente kilomètres est violente.
Journaliste, j’ai commencé à dessiner à l’automne 2015, lors d’un déplacement à Lesbos.

Après plusieurs reportages pour la presse écrite dans des camps, le long de frontières, les images me marquaient à chacun de mes récits. J’ai rapporté les particularités de ces scènes par écrit, puis j’ai voulu les représenter autrement. Le dessin est efficace, il permet d’accentuer certains détails, d’approfondir des traits, de livrer une vision personnalisée de la scène. Je cherche, sur place, à mettre en lumière cette étrange rupture : ces paysages désertiques, symétriques ou idylliques, qui se métamorphosent par le passage de milliers d’anonymes. Et ces camps, univers instables qui se créent là où personne ne les attend. J’essaye de représenter ce que ces personnes, les réfugiés, voient sur leur chemin : des routes sans fin, des silhouettes lointaines, des armées de policiers, des barbelés... Les détails qui illustrent, selon moi, leur exil. »

Journaliste indépendante en Grèce, Elisa Perrigueur a collaboré à divers médias dont LeMonde.fr, La Tribune, Le Temps, Le Télégramme. Elle a également travaillé à Paris pour l’AFP, LeMonde.fr et Le Parisien. Elle est représentée, en tant qu’illustratrice, par le Studio Hans Lucas.