Jean-Yves Naour (Sous la dir.)

Front d’Orient 1914-1919. Les soldats oubliés

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Révélé au grand public en 1996 par le film de Bertrand Tavernier, Capitaine Conan, (d’après le roman éponyme de Roger Vercel), le Front d’Orient a largement constitué un angle mort des représentations collectives dans notre pays.

Il n’en va pas de même dans les Balkans où les plaies du passé et des nationalismes blessés ne sont pas toujours cicatrisées. « Catastrophe nationale » en Bulgarie, « catastrophe nécessaire » en Roumanie, la Première Guerre mondiale demeure en Hongrie un « passé qui ne passe pas » : tous les 4 juin, date anniversaire du traité de Trianon (1920), des manifestations nationalistes y rappellent le souvenir de la « grande Hongrie », dépecée ce jour-là.

Dans les pays de l’ancienne Yougoslavie, on se divise sur la question de savoir si Gavrilo Princip, l’homme qui assassina François-Ferdinand à Sarajevo le 28 juin 1914, était un héros ou non. La Turquie, entre nationalisme et mauvaise conscience, commémorait en avril 2015 le centenaire de la grande victoire des Dardanelles, symbole des débuts du Kemalisme, tout en occultant le génocide arménien. En Grèce, enfin, cette guerre reste le prélude du conflit gréco-turc (1919-1922) dont les blessures ne sont pas tout à fait refermées.

Cent ans après, la Première Guerre mondiale demeure donc, à l’Est de l’Europe, un champ de bataille politique. Avec l’ambition de dépasser les clivages nationaux et de multiplier les regards, ce livre, tiré du colloque international réuni au musée d’histoire de Marseille en décembre 2014, œuvre à une dé-nationalisation de l’écriture de la guerre et, tout en faisant ressurgir l’histoire de l’armée d’Orient et de ce front oublié, cherche à sortir le conflit du cadre franco-français (ou franco-allemand) et à lui restituer sa pleine dimension.