Blog • Interview inédite du roi Zog (1928) : « Voici les raisons de ma collaboration avec l’Italie »

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Le 13 octobre 1928, le journal français « L’Intransigeant » publiait une interview inédite du roi Zog Ier d’Albanie donnée au Daily Telegraph. Au-delà des souhaits du nouveau souverain de vouloir « civiliser » le peuple albanais et de sauvegarder son indépendance, il y explique surtout les raisons de collaboration avec l’Italie, qui lui a souvent été reprochée.

Voici le texte dans son intégralité :

Le nouveau roi interviewé

Zogou 1er veut civiliser son peuple… Et sauvegarder son indépendance

Londres, 12 octobre (de notre corr. part., par téléphone). — M. Ashmead Bertleet, le collaborateur bien connu du Daily Telegraph, a envoyé à ce journal de Tirana, une intéressante interview qu’il a eue avec le nouveau roi d’Albanie, Zogou I. Le monarque, au cours de l’entrevue, a parlé de sujets divers : administration intérieure, armée, finances et politique étrangère. Sur ce dernier sujet, Zogou I er a dit notamment :

“J’estime beaucoup, personnellement, le roi Alexandre et le peuple yougoslave, mais je crois qu’ils ont une idée fausse de ce qui se passe en Albanie. J’aimerais en dire plus long sur ce sujet qui intéresse si profondément l’Europe ; En premier lieu, laissez-moi vous dire que nous n’avons pas la moindre velléité agressive envers la Yougoslavie. Notre désir est d’avoir les meilleures relations avec ce pays.

En second lieu, nous, n’avons aucune intention de céder notre indépendance à une nation quelconque. Je ne puis qu’invoquer l’Histoire. L’Albanie est le seul pays balkanique qui a toujours réussi à maintenir son indépendance en dépit de nombreuses invasions. Le caractère de la race albanaise est basé sur l’amour de la liberté sous l’égide de son propre chef.

Nous ne nous soumettrions jamais à une domination italienne ; le peuple ne le tolérerait pas un seul instant. Mais nous devons tenir compte de notre situation. Nous sommes, en effet, très en retard par rapport au reste de l’Europe. Le peuple ne sait ni lire ni écrire ; il y a peu de lois écrites qui sont obéies et la « vendetta » règne encore dans plusieurs parties du pays. Ma détermination est de civiliser mon peuple, de lui faire adopter, autant que possible, les coutumes occidentales.

Cette tâche, nous ne pouvons l’accomplir qu’avec l’aide du dehors. C’est pour cela que nous avons adopté le moyen qui nous semblait le plus opportun. Avant tout, il nous fallait de l’argent et il n’y avait qu’un moyen de l’obtenir : l’emprunter à un autre pays. Nous avons essayé à Genève et échoué ; nous avons essayé dans plusieurs autres pays, y compris l’Angleterre, mais sans plus de succès. Alors, l’Italie est venue à notre aide et nous a prêté 2 millions de livres sterling à des conditions très avantageuses pour nous-mêmes.

Cet argent est employé maintenant à des travaux publics : routes, ponts et aux travaux du port de Durazzo. Ensuite, il nous fallait l’aide d’experts et de financiers, des officiers pour organiser notre armée et notre marine, des ingénieurs, des médecins, etc. Naturellement, c’est l’Italie, qui nous avait prêté l’argent, qui avait le premier droit à contrôler la manière dont il devait être dépensé. C’est pourquoi nous avons tant d’Italiens qui travaillent parmi nous, mais ceci ne veut pas dire que nous avons perdu notre indépendance politique. Nous restons une nation, et maîtres chez nous ; et nous ne permettrons jamais que nous soyons dominés ou exploités dans l’intérêt d’autrui.” — T. B.

Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Article publié également en albanais : https://www.darsiani.com/la-gazette/rrefimi-ekskluziv-i-mbretit-zog-per-daily-telegraph-1928-kjo-eshte-arsyeja-e-bashkepunimit-me-italine/