Mardi 13 février 2024 à 19h
Au café/bar Le 61
3, rue de l’Oise
Paris 75019
Un travail de mémoire post-conflit qui pose la question de l’établissement d’une vérité historique indispensable pour la paix... Pourquoi la guerre en Bosnie reste une guerre en suspens.
Comment établir une vérité à l’échelle d’une nation quand la « guerre des mémoires » continue de faire rage, quand la parole des révisionnistes et les propos du déni s’expriment librement, et que 30 ans plus tard, on apprend aux enfants bosniaques, serbes et croates des histoires revisitées, fragilisant ainsi tout processus de réconciliation ?
C’est à cette question cruciale mais vertigineuse que le photographe Fabrice Dekoninck s’est attaché à répondre pendant de longs mois, de 2020 à 2023, et qui est au coeur de ce livre. Par le biais de l’image et du récit, il explore, dans ce qu’elle a de plus intime, la mémoire et les processus de résilience de ceux qui ont survécu au siège de Sarajevo, aux crimes de masse et à l’épuration ethnique de Prijedor, et au génocide de Srebrenica.
Véritable “anthropologue de la mémoire”, il utilise le médium photographique pour préserver les dernières traces visibles et invisibles de la guerre avant qu’elles ne s’effacent. Il dresse, au fil des portraits et des témoignages recueillis, le visage implacable d’une société bosnienne traumatisée, qui demeure engluée dans son propre passé, et où, en l’absence de toute volonté de narratif commun, la mémoire est devenue un instrument de propagande, au détriment de la justice et de la réconciliation.
Dans ce contexte, l’ouvrage met en perspective l’avenir de toute une région, les Balkans, à fort enjeu géopolitique, dont l’entrée dans l’Union européenne reste compromise par l’instabilité politique, la corruption généralisée et la radicalisation des nationalismes.
Au-delà de la maîtrise approfondie de son sujet, l’auteur déploie un travail photo- graphique d’une immense sensibilité, re et des relations particulières qu’il a pu tisser tout au long de ces nombreux séjours en Bosnie de 2020 à 2023.
Alternant la dramaturgie du noir et blanc et la précision picturale du moyen-format pour ces photographies de portraits, de paysages ou de vues urbaines en couleur, le récit photographique glace par son acuité, séduit par sa poésie mélancolique et rend compte du statut décisif du médium comme outil d’enregistrement et d’archive, indispensable à la recherche de toute vérité historique.
Passionné d’histoire et par les enjeux liés à la construction de la mémoire, Fabrice Dekoninck a d’abord travaillé sur la mémoire « morte », celle des soldats de la Grande Guerre, porté par la lecture du récit de Maurice Genevoix, Ceux de 14. C’est à l’issue de ce travail, exposé au Mémorial de Verdun dans le cadre de la mission du Centenaire de la grande guerre (2017), qu’il a entrepris de travailler sur la mémoire récente d’un conflit majeur en Europe, celle de la guerre en Bosnie-Herzégovine. S’appuyant sur ses nombreuses lectures, ses entretiens avec les survivants et les témoins, ainsi que sur l’étude des archives du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, il est parvenu à mettre en lumière les traces du passé, à briser les silences, à s’affranchir des manipulations mémorielles toujours à l’oeuvre en BosnieHerzégovine, rendant ainsi hommage à tous les disparus. Between Fears and Hope est son deuxième livre, après la publication en 2017 de Comme On Peut (Creaphis, France).
