Sophie Képès

Un café sur la colline

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Sarajevo assiégée. La ville martyre, crucifiée, est le premier personnage de ce roman.

Horrifiée par l’expression « nettoyage ethnique », Nila s’embarque pour la Bosnie pour participer au tournage d’un documentaire sur le siège de la ville. Elle partage le quotidien des civils.

L’intensité des échanges, l’humour noir dans les pires circonstances, la vie étrange des assiégés de Sarajevo déchaînent en eux les forces extrêmes de la vie. Pour Nila, faire l’amour devient « la seule chose urgente et importante ». Soulevée d’émotions, elle se livre à une constante autoanalyse et note tout ce qu’elle voit, entend et ressent. Selon les mots de l’auteur : « Le retour du génocide en Europe 50 ans après celui des juifs devra sans doute être mis à nu par des dizaines de fictions, avant de trouver enfin sa « juste place » dans notre conscience rétive ».

Plutôt qu’un roman d’apprentissage, Un café sur la colline est roman de « rééducation », ou mieux, de réveil : réveil du cœur, réveil du langage, réveil de la dignité. L’auteur excelle à décrire le quotidien, les menus faits, les personnages. Plein d’intelligence, le récit est entrecoupé d’une trentaine de fragments de textes (contes, articles d’encyclopédie, petits dialogues ou coupures de journaux), qui viennent s’insérer dans la narration, lui donnant à chaque fois une autre dimension.

L’aventure de la narratrice a été partagée par nombre d’étrangers qui sont venus à Sarajevo durant le siège - journalistes, travailleurs humanitaires, simples citoyens -, mus par des motivations en réalité toujours complexe, où le meilleur se mêlait, naturellement, au pire : réflexe de solidarité, mais aussi curiosité, quête d’aventure, voire voyeurisme. Pourtant, cette aventure a toujours transformé ceux qui l’ont vécu.

Sophie Képès a réussi l’un des premiers romans sur le siège de Sarajevo, et sur cette expérience particulière des étrangers solidaires, « saisis » par la ville assiégée. Le roman est un peu un roman à clefs, où beaucoup de figures sarajéviennes sont facilement reconnaissables. Le livre réveillera sûrement les souvenirs, voire une certaine forme de nostalgie, chez ceux qui ont vécu l’expérience racontée par Sophie Képès. Aux autres, il permettra d’imaginer ce qu’était la vie à Sarajevo, il y a une douzaine d’années.