Un film de Grégory Lassalle

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Présentation détaillée du projet :

En 2011, comme des dizaines de milliers de migrants, Loss, Madess et Moussa arrivaient en Europe par la Turquie. Obligés par la législation européenne de rester en Grèce, ils ne veulent qu’une seule chose : partir. Dès lors, gagner l’argent nécessaire au départ est une obsession et tous les moyens sont bons.

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Le film "L’aventure" suit le quotidien de ces trois Ivoiriens à Athènes - leur sentiment d’enfermement, les stratégies pour trouver de l’argent, le basculement dans l’illégalité, les tentatives de départ - et explore ce qui se joue individuellement et collectivement lors de la migration : les relations aux autres communautés de migrants, l’amitié, la trahison, la solidarité, les mafias, la violence.

Les personnages

Après plusieurs mois de repérages et d’approches, le réalisateur a rencontré Madess, Loss et Moussa qui lui ont progressivement fait confiance et permis de filmer leur vie.

Losseni, le commandant, a 29 ans. Cet ancien des milices de Ouattara fuit la Côte d’Ivoire car maintenant que la guerre est finie, les règlements de compte se multiplient. Pour survivre et pour « faire voyage », Loss travaille dans la mafia d’« Al Capone » dans la rue des demandeurs d’asile. Il veut migrer en « Ferlande » ou à Paris.

Grand Moussa, le technicien, a 28 ans. Cet ancien enfant des rues a appris le métier de soudeur en Guinée. Analphabète, il est très doué pour les tâches techniques. Pousseur de chariot, récolteur d’olives, Grand Moussa refuse de s’impliquer dans la mafia d’« Al Capone ». Il fait l’aventure afin d’obtenir des papiers qui lui permettront de faire du commerce entre l’Afrique et l’Europe.

Madess, le chanteur, a 27 ans. Ses chansons parlent du quotidien des migrants : « Visa Turquie », « Pousser chariot », « Veniseloso souvenir » (aéroport d’Athènes), « Al Capone problème ». Lassé de la vie dans son pays, Madess migre car « il veut se faire une place au soleil ». Son rêve est d’aller à Saint-Denis, à côté de Paris.

Repérages

« La Grèce va édifier un mur à sa frontière avec la Turquie pour bloquer le flôt de migrants ». C’est cette information, entendue en avril 2012 pendant le journal de RFI, qui m’a incité à partir en repérage sur la péninsule hellénique. En mai, je me décidai pour la partie la plus septentrionale de la Grèce, là où le mur devait être construit. Cette frontière offrait des éléments intéressants mais je ne trouvais pas ce que je recherchais. L’« histoire » s’était déjà déroulée : le gros des migrants était déjà passé et le mur à venir allait « fermer » ce bout de frontière.

J’arrivai à Athènes en août pour un second repérage. C’était l’été et la ville était vidée de la plupart de ses habitants Grecs. Je m’installai dans le quartier Omonia, au centre-ville, là où vivent de nombreux immigrés et assistai avec stupeur à la « chasse » menée contre eux par la police. « Xenios Dias » (Zeus hospitalier) était le nom donné par le gouvernement grec à cette massive manœuvre d’arrestation et d’enfermement des clandestins. Pourchassés par la police, les migrants ne peuvent pas partir de Grèce légalement car ils sont obligés de rester dans le premier pays par lequel ils sont rentrés dans l’espace Shengen. Sans travail et sans droits, ces centaines de milliers de migrants « coincés en Grèce » rêvent de partir plus loin en Europe pour demander l’asile et/ou pour offrir, à eux et à leur famille, une vie meilleure. La solution la plus compliquée est de partir à pied par les Balkans. La plus simple est de prendre l’avion avec un faux papier d’identité, avec l’espoir que les policiers Grecs tomberont dans le panneau. Ces deux solutions coûtent cher : gagner l’argent nécessaire au départ est un impératif pour les migrants et une obsession. Si certains reçoivent de l’argent des familles au pays ou des « devanciers » (celles et ceux qui sont déjà plus loin en Europe), la plupart doivent se débrouiller et basculer parfois dans des activités illégales.

Note d’intention

La Grèce offre tous les ingrédients pour réaliser un documentaire « sensationnaliste » sur la migration. Les cadavres retrouvés dans des bateaux de fortune, les violences racistes, les arrestations abusives de la police font partie de la réalité des migrants dans ce pays et ont fait l’objet de courageux documentaires de dénonciation.

Si lors de mes différents séjours, j’ai été témoin de ces évènements, mon intention documentaire était différente. Je ne souhaitais pas être un « enregistreur » de ces actes de violence et « limiter » ma démarche à attendre que ces actes se produisent.

Je voulais filmer dans la durée le quotidien d’un groupe de migrants afin de proposer un regard sur la migration qui aborde les enjeux personnels, inter-relationnels et inter-communautaires. Personnels car la migration est avant tout un projet individuel. Inter-relationnels car ces individus interagissent avec d’autres migrants et construisent ainsi un vécu collectif. Inter-communautaires enfin car il existe des relations de solidarité ou au contraire de violence entre différentes communautés.

Pour suivre cette triple démarche, j’avais besoin de temps afin de rencontrer le réel qui donneraient la mesure de ces enjeux. Le film est né de la rencontre d’un lieu sordide, appelé Al Capone, où les migrants viennent demander l’asile, et de la rencontre avec trois personnes. Loss, Grand Moussa et Madess sont des ivoiriens pour qui la Grèce s’est convertie en un piège, une embuscade, symbolisés par cette rue d’Al Capone, mais aussi par l’appartement sans lumière, aux murs gorgés d’humidité, où ils vivent. L’unique but des trois personnage est de quitter la Grèce. La narration du film va s’écrire au rythme des stratégies et actions qu’ils vont mettre en place pour y arriver. Entre ces éléments qui feront cheminer l’histoire, il y aura des moments de vie, de joie, de musique mais aussi des moments d’attentes, de vide, des moments pendant lesquels les rêves apparaissent comme détruits et l’être humain perd de vue qui il est et ce qu’il veut.

Au niveau du traitement, je souhaitais que ce documentaire soit réalisé comme un film afin que le spectateur se détache de la réalité purement grecque de l’histoire et sente son aspect universel. J’ai ainsi décidé de filmer avec le DSLR Nikon D7000. En me donnant une grande flexibilité sur les couleurs, il m’a permis de donner une empreinte à chaque lieu filmé : la teinte jaune sombre de l’appartement et de l’obscurité troublante d’Al Capone contraste avec le bleu pâle du matin dans l’usine où Grand Moussa vend son fer et au bleu éclatant des paysages méditerranéens où il récolte des olives. Cet appareil photo est également efficace en basse lumière (avec un bon objectif) et était donc adapté aux nombreuses prises de vue de nuit et d’intérieur. Le DSLR est de surcroît maniable et discret ce qui est crucial afin de pouvoir tourner sereinement dans une rue où les conflits sont nombreux et dans un appartement chambre-salon où vivent 18 personnes.

Dans ces différents lieux, ma caméra s’est figée à proximité de l’action et a enregistré les moments qui me permettaient d’avancer narrativement et de répondre aux enjeux que je poursuivais. J’ai privilégié des prises de vue posées, longues, afin de donner le sentiment d’une réalité qui se répète ou peut se répéter dans le temps.

L’objectif de ce projet est de proposer un regard différent sur la migration, axé sur l’universalité du fonctionnement humain, afin que le spectateur se demande ce qu’il aurait fait s’il avait été lui aussi dans cette situation. Pour répondre à cette intention, le projet a été appréhendé comme un film, tant au niveau du fond qu’au niveau du traitement. Mais une fois ce dispositif mis en place et les enjeux définis, la narration devient « documentaire » afin d’évoluer au rythme du vécu et des décisions des personnages.

Synopsis

Été

1. Région Evros : à la frontière entre la Grèce et la Turquie
2. « Al Capone » : le centre d’immigration d’Athènes
3. La vie en Grèce : quartier Kipseli à Athènes

Automne

4. Le visa Turquie
5. « Pousser charrettes »
6. Manifestation antiraciste
7. « Est‐ce que les droits de l’homme existent en Grèce ? »
8. La mafia d’« Al Capone »

Hiver

9. Comment partir ?
10. La fabrique des faux papiers
11. Le départ par avion de Madess : aéroport de Thessalonique
12. Le départ par avion de Loss : aéroport d’Athènes
13. « Au village » : récolte des olives
14. « Ça n’a pas marché » : faux départ
15. Le départ par la voie terrestre

Printemps

16. Debrecen en Hongrie : Loss
17. Paris en France : Grand Moussa
18. Athènes en Grèce : Madess
19. L’aventure continue