Serbie : les journalistes debout, « pas à genoux »

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Pour la troisième fois, des journalistes serbes ont manifesté dans tout le pays pour réclamer la démission du ministre de la Défense, Bratislav Gašić, qui avait lancé des propos sexistes à l’encontre d’une de leurs consœurs. Ils ont également dénoncé la chape d’autoritarisme qui recouvre la presse. Le Premier ministre Vučić avait promis le limogeage de son ministre.

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Manifestation le 11 janvier à Belgrade
© Marija Janković/CdB

(Avec B92 et Danas) — Une centaine de professionnels des médias se sont rassemblés dans le centre de Belgrade, face au palais gouvernemental, des centaines d’autres dans douze villes de Serbie, sous la bannière « Les journalistes ne se mettent pas genoux ». Une référence aux propos sexistes tenus par le ministre de la Défense, Bratislav Gašić, à l’encontre de la journaliste Zlatija Labović, début décembre 2015.

Alors que les journalistes sont régulièrement victimes de campagnes de diffamation et accusés par le pouvoir d’être des « mercenaires à la solde de puissances étrangères », les manifestants ont demandé aux propriétaires des médias et aux rédacteurs en chef de ne pas céder aux pressions politiques et de garantir aux journalistes le minimum de droits dans l’exercice de leur travail. Ils ont aussi rappelé aux politiciens certains de leurs devoirs : œuvrer pour l’intérêt de tous et fournir des réponses aux journalistes.

La journaliste Antonela Riha de la radio B92, a constaté que la plupart de ses confrères arrivaient à peine à boucler leur fin de mois. Elle a ajouté qu’ils attendaient du ministre de la Culture, Ivan Tasovac, qu’il rende compte de ses actions envers les médias et dévoile les mesures prises à l’encontre du ministre Gašić après ses propos sexistes.

Elle espère également des réactions concrètes de la part de la Commissaire à l’égalité des sexes et à l’équité. « La destitution de Gašić n’est qu’un premier pas, [le Premier ministre] Aleksandar Vučić doit faire appel au parlement pour faire voter le départ du ministre. »

#Follow me

À Belgrade, les journalistes ont brandi une pancarte avec le message #Follow me (« Suivez-moi »), un écho à la récente affaire où le ministre de l’Intérieur, Nebojša Stefanović, avait prédit qu’une journaliste se plaindrait bientôt d’être surveillée illégalement. « Nous demandons à ce que Nebojša Stefanović révèle ses sources et avec qui il s’entretient en privé sur le sort des journalistes », a déclaré Antonela Riha.

C’est la première fois que l’on voit toute une profession se redresser et montrer qu’elle a une colonne vertébrale

À Niš, une centaine de journalistes sont descendus dans la rue. « Le Premier ministre n’a eu besoin que de six jours pour former son gouvernement, mais il est incapable de limoger un ministre en 36 jours ? », s’est interrogée la journaliste de Danas, Zorica Miladinović.

Selon le sociologue Đokica Jovanović, la majorité des journalistes de Niš ne sont pas à genoux, mais ils « rampent ». « C’est la première fois que l’on voit toute une profession se redresser et montrer qu’elle a une colonne vertébrale », a-t-il dit.

« Tout gouvernement autoritaire veut transformer les journalistes en scribes », a-t-il poursuivi. « Je comprends les gens qui travaillent dans les médias et qui ont peur de perdre leur travail, mais je ne comprends pas pourquoi ils se qualifient de journalistes, alors qu’il ne sont que des copistes. »

La manifestation « Niš ne se met pas à genoux » n’a été retransmise par aucune télévision locale, ni par la télévision nationale RTS.

En plus de Belgrade et Niš, des manifestations ont été organisées à Šabac, Kikinda, Novi Sad, Čačak, Novi Pazar, Subotica et Vranje.


Cet article est produit en partenariat avec l’Osservatorio Balcani e Caucaso pour le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF), cofondé par la Commission européenne. Le contenu de cette publication est l’unique responsabilité du Courrier des Balkans et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne.