Traduit par Anna Marquer-Passicot (article original)
Les esturgeons sont apparus il y a 200 millions d’années et ils étaient autrefois largement répandus dans toutes les mers du monde. Dans l’Antiquité, l’historien grec Strabon mentionnait déjà la présence d’esturgeons plus gros que des dauphins dans le nord de la mer Noire. Et, selon des textes du XVe siècle, les pêcheurs du delta du Danube pouvaient à l’époque ramener un ou deux milliers d’esturgeons par jour.
Face au déclin des populations de ces poissons, la Roumanie a décidé d’interdire la pêche à l’esturgeon en 2006, alors même que cette activité faisait vivre de nombreuses familles du Delta du Danube. Dans le village de Sfântu Gheorghe, on sert toujours du storceag, une soupe à base d’esturgeon, mais les restaurateurs expliquent qu’elle est faite à partir de poissons d’élevage, ou bien qu’ils sont importés de l’étranger.
Les pêcheurs affirment de leur côté qu’ils ne braconnent pas, et c’est ce que semblent confirmer les statistiques du service de la police du Delta, crée par la police roumaine pour prévenir et combattre l’exploitation illégale des ressources naturelles de la région. Selon les statistiques des forces de l’ordre, ces cinq dernières années, les esturgeons représentaient seulement 1,2% des poissons confisqués aux braconniers.
Braconnage
Entre 2014 et 2018, la police du Delta a ainsi confisqué 52 846 kilos de poissons, dont 642,3 kilos d’esturgeons, mais aussi 6699 cannes et filets de pêche, ainsi que trois pièges électriques, 222 embarcations, 161 moteurs de barques et 45 véhicules. Selon Marian Cârlig, le représentant de la police, le déclin des esturgeons est aussi historiquement lié à la pollution dans le Danube et aux barrages sur le fleuve qui bloquent la migration du poisson.
Un déclin qui a décidé dès 1998 la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) de réguler la pêche de cette espèce. Tous les pays du Danube inférieur, la Serbie, la Bulgarie, la Roumanie et l’Ukraine ont interdit la pêche de l’esturgeon à des fins commerciales.
La Roumanie a également introduit environ 625 000 alevins dans le Danube, mais à l’heure actuelle, aucune étude n’a été menée pour définir combien d’entre eux sont revenus dans le fleuve pour s’y reproduire. Selon Marian Parasvich, de l’Institut national du Delta du Danube (INDD), certains spécimens adultes des générations lâchées entre 2006 à 2015 ont pourtant été retrouvés, ce qui laisse augurer d’un succès de l’opération.