Courrier des Balkans

Raki Balkans Sound System, les colporteurs musicaux de « l’autre Europe »

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Le 29 novembre 2008, le studio de l’Ermitage va trembler à l’occasion des dix ans du Courrier des Balkans. À côté des inimitables Slonovski Bal, Erik Marchand et Balkansambl, le Raki Balkans Sound System va distiller un savant mélange de turbo folk apatride, de fanfare groove et de gipsy punk, le tout servi avec une bonne dose de raki. Le Courrier des Balkans a rencontré Matthieu, l’un des deux dj du sound system. Entretien.

Propos recueillis par Pierre Deveix

Le Courrier des Balkans (CdB) : Tu fais partie de plusieurs formations musicales. Quelle est l’originalité du Raki Balkans Sound System par rapport à tes autres groupes ?

Matthieu : Nous sommes deux musiciens : Alex qui est basé sur Clermont-Ferrand et moi qui vis à Paris. Tous les deux nous faisons partie d’un groupe de Gipsy Punk, Jabul Gorba qui tourne déjà depuis onze ans. Avec les autres membres de ce groupe, on a constitué par le passé une fanfare balkanique, Imodium Orkestar, qui n’existe plus aujourd’hui, faute de temps ! Tous les musiciens mènent plusieurs projets à la fois.

Alex et moi avons crée le projet Raki dans le but de sélectionner le meilleur de la musique que nous dénichons, en particulier lors de nos voyages dans les pays balkaniques, pour la faire découvrir – ou redécouvrir –.

Sur scène, on essaye de recréer une ambiance domestique, comme à la maison : on installe un petit canapé, une table basse, une assiette de fêta et une bouteille de raki...

CdB : D’où vient votre intérêt pour cette musique ? Vous avez peut-être des origines balkaniques ?

Matthieu : Pas du tout ! Nous sommes venus à cette musique par goût, tout simplement. Au départ nous avons commencé à nous intéresser à la musique rrom en regardant les films de Tony Gatlif, en particulier Latcho Drom, ou encore ceux d’Emir Kusturica...
On est aussi très influencés par une scène musicale qui mélange les genres musicaux de différents pays, de différentes régions du monde. C’est cette rencontre entre divers horizons musicaux qui nous intéresse. Les Barking dogs par exemple, un groupe anglo-écossais qui mélange rock alternatif, musique traditionnelle écossaise et airs orientalisants nous a énormément influencés en tant que musiciens. Les Pires, un groupe français qui reprend des airs balkaniques a également joué un rôle important dans notre itinéraire musical.

CdB : Comment sélectionnez-vous les musiques que vous utilisez ? Allez-vous les chercher à la source, dans les pays balkaniques ?

Matthieu : Oui, bien sûr. On essaye d’y aller le plus souvent possible et de ramener de quoi enrichir notre set. Pour Alex, le premier voyage dans les Balkans était en 1989, en Yougoslavie… Puis il est retourné plus tard en Croatie, Serbie-Monténégro, Bulgarie…

En septembre dernier je suis allé en Bosnie ; et la semaine prochaine, je pars en Roumanie, notamment pour trouver quelques petits bijoux sonores à utiliser pour Balkanofonik.

Mon tout premier voyage dans les Balkans, je l’ai effectué en 2001 avec Dario, l’accordéoniste de Slonovski Bal. On est partis au festival de Guča rejoindre les autres membres du groupe. Ce fut un voyage très fort émotionnellement, le régime des visas pour les étrangers venait d’être assoupli. L’ambiance était extraordinaire, un vent de liberté soufflait sur le festival. Je suis arrivé là sans trop savoir à quoi m’attendre ; j’étais complètement abasourdi, la fête était monumentale ! Nous sommes retournés au festival avec Alex en 2005, en compagnie d’un ami serbe qui nous a fait vadrouiller en Serbie. Nous avons commencé à collecter des disques pour le set du Raki Balkans Sound System.

CdB : Comment vous y prenez-vous pour dénicher des disques intéressants ?

Matthieu : On tend l’oreille et on évite les magasins standards, qui proposent surtout des artistes très commerciaux, pour nous intéresser aux petites boutiques susceptibles d’abriter de vrais trésors. Mais le plus intéressant, c’est localement qu’on peut le trouver, dans des endroits improbables : au bord de la nationale par exemple ; il y a toujours quelques vendeurs qui proposent des copies de vieux cds dans le coffre d’une vieille bagnole. Parfois le son est de mauvaise qualité, les cds sont parfois mal gravés et la musique s’arrête en plein milieu de la chanson. Du coup, elle devient inutilisable. On essaye alors de retrouver les disques originaux.

CdB : Quels sont les styles musicaux que vous préférez ?

Matthieu : Même si on est passionnés par les musiques dites traditionnelles, on privilégie dans nos mix les « musiques traditionnelles modernes », celles que les gens écoutent dans leur quotidien, tous les airs que l’on peut entendre dans les transports en commun. Souvent teintées de joie et de mélancolie mêlées… Lors de mon dernier voyage en Roumanie, je me souviens d’être passé à côté d’un homme en train de réparer sa voiture ; il avait mis dans son auto-radio une cassette vraiment géniale. Je suis allé le voir pour lui demander le nom du groupe, puis je me suis précipité chez le premier disquaire pour acheter le disque. De son côté, Alex a découvert des morceaux incroyables en demandant la liste des morceaux diffusés dans un restau routier bulgare.

Dans chaque pays il existe des styles différents : le Manélé en Roumanie, le Chalga en Bulgarie... Des airs traditionnels modernisés par l’utilisation de synthétiseurs. Cette évolution n’est pas forcément triste, même si certains instruments traditionnels disparaissent des mariages…On peut appeler ça du Turbo Folk, en mettant le terme entre guillemets, car cette appellation désigne aussi des musiques très commerciales, un peu pauvres émotionnellement, et pas toujours très intéressantes. On essaye de privilégier la qualité et la diversité.

CdB : Revenons en France. Où aimez-vous vous produire et quel est l’accueil du public lors de vos concerts ?

Matthieu : Les musiques des Balkans connaissent un véritable effet de mode. À Paris notamment, de plus en plus de lieux organisent des soirées balkaniques qui rassemblent de plus en plus de monde. . On mixe un peu partout : festivals, concerts, bars, afters…Le meilleur accueil, on le trouve souvent dans les festivals où le public est venu écouter un autre style de musique. À la fin du concert, des gens viennent nous voir pour nous remercier de leur avoir fait découvrir cette musique. Dans ces moments là, on est vraiment heureux ! Et puis on va boire un coup ensemble...

CdB : Est-ce que vous projetez de faire une tournée dans les Balkans ?

Matthieu : On aimerait bien ! Cet été Alex s’est produit à Istanbul. On a également l’idée de faire un voyage dans les Balkans ponctué de concerts avec le groupe Jabul Gorba et d’écrire un livre pour retracer cette aventure. Si le projet voit le jour, on intégrera probablement le set du Raki Balkans Sound System dans les concerts.

CdB : Le mot de la fin ?

Matthieu : Lors de nos voyages, nous avons découvert cette Europe du Sud-Est, la chaleur de ses habitants, ses blessures aussi, et maintenant nous avons envie de faire partager la richesse musicale de cette région aux influences multiples. Tous les deux, avec Alex, nous sommes très friands de musique et de gastronomie balkanique. Alors si l’on peut faire partager le goût de cette culture avec quelques mezze...

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