Blog • Journées off au Monténégro

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Notre premier jour à Podgorica est une journée off pour l’équipe. Accueil de François Rascalou, directeur artistique et chorégraphe de la Cie Action d’Espace, il est notre partenaire invité en charge des mouvements chorégraphiques du spectacle. Il a déjà fait une première session de travail il y a quelques mois, lors de notre première résidence jurassienne, où le courant est très bien passé.On cherche comment travailler malgré l’absence de Christophe, on discute des avancées du travail, des choix, des questionnements, des endroits où on ne sait pas. Accueil au long cours, entrecoupés des sourires, des saluts de la plupart des Pudding qui passent par là.

Visite du lieu que nous avons repéré, très, très vite lors de notre première visite ici. Le site est comme prévu plutôt compliqué. De l’herbe, pas beaucoup de largeur, pas vraiment de bâti pour les projections, et le peu qu’il y a est caché par le feuillage des arbres qui a poussé depuis. C’est évident qu’il ne sera qu’un site de répétition, jamais de représentation, et qu’il va falloir se battre avec lui. Matthias Jacques et Christophe Sanchez, nos supers technos 4x4, s’activent pour trouver les solutions, entre Floriane qui traduit et Alix qui prend des notes et élimine les problèmes. Stevan Radusinovic fait l’intermédiaire avec les gens du site. Les solutions se trouvent.

Nous croisons très rapidement Ana Vukotic, la directrice du festival FIAT, qui est actuellement, elle aussi en création avec sa compagnie. Retrouvailles chaleureuses, elle est toujours aussi … présente. Le lendemain à 14h, après l’atelier langue du matin, nous partons sur le site. Ceux qui ne l’ont pas vu, essentiellement les comédiens, font les gros yeux le plus discrètement possible.

Puis vient l’opération camion…

Imaginez, une rivière à sec, avec d’un côté, une rive haute et murée, aménagée en promenade, l’autre rive du côté de notre site est, elle, surélevée mais par un talus pentu et herbeux. Pour descendre dans le lit de la rivière, plein de gros cailloux, il y a une sorte de « chemin » qui n’en est pas un, plein de détritus et très pentu lui aussi.

Toute l’équipe est là. Christophe S. au volant, Matthias au sol. On a l’impression d’être dans un film Le pont de la rivière Qwaï, mâtiné de Tom Cruise à la franc-comtoise, ou de répéter la première scène de notre spectacle, sauf que c’est la réalité.

On finit par être dans le lit à sec, qui poussent, qui filment, qui enlèvent les cailloux, qui crient des consignes…On essaie plusieurs fois de monter ce satané talus, on pousse pour monter, ça bloque à mi-talus, on pousse pour descendre, et on recommence, on pousse, on reste bloqué mais un peu plus loin, on pousse pour recommencer. Les jeunes Monténégrins fument leur clope et leur smartphone en se fichant de nous ; ils nous ont aidé une fois, c’était notre seule chance, ils disent.

On change de tactique, on tente la manœuvre un peu plus loin, on pousse tous pour ne pas s’enliser dans les cailloux de plus en plus petits, les filles montent faire du poids sur le plateau et… on passe !

Christophe S. est yodelé à sa descente de camion.

On tente un enchaînement pour que François Rascalou voit où nous en sommes. On place la frontière. On place les scénographies. Je ne vois rien. Tentative de faire les choses en miroirs par rapport à la mise en place expérimentée à Novi-Sad. Je comprends rien à cet espace. Laurent bougonne. Je mets son cerveau pratique et géométrique à contribution. On retrouve nos acquis. Mais je ne vois toujours rien. C’est moi qui bougonne maintenant. J’ai l’impression d’avoir le nez sur les images. Tout le monde est en mode fatigue, Lilia au bord du vomissement avec une indigestion éclair. François parle tout seul, au milieu de l’espace, en faisant des mouvements dansés en miniature, les yeux en profonde réflexion.

On a juste le temps de finir et il se met à pleuvoir de plus en plus. On court, on range, on bâche. Charlotte, tombée en repet, a la main qui enfle. Pharmacie. Il pleut. Les escaliers qui donnent sur notre site, se transforment en cascades, on ne voit même plus les marches. S’il y a une chose que je ferais ici, en Balkanie, ce serait de revoir l’ensemble de leur système de canalisation ! On partage un paquet de chips sur le parking sous le pont de plus en plus obscur.