Cecilia Stefanescu

Liaisons morbides

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Par Anne Madelain

Ça se passe à Bucarest, tout juste sorti du cauchemar des années 80. Fraîchement débarquée de sa petite ville de province dans « cette ville haillonneuses, avec ses rues larges et récemment asphaltées, où paradaient des charrettes tirées par des ânes, des cyclistes, des camions de gros tonnages et, rarement une voiture », la narratrice découvre la capitale et la vie d’étudiante en lettre. Elle retrouve aussi Alex, rencontrée des années plus tôt et dont elle était déjà amoureuse au lycée.

Pour rattraper le temps perdu, les deux donzelles passent des journées entières à marcher jusqu’à en être engourdies, croquent des bretzels dans les bars, se soûlent tant qu’elles peuvent, s’aiment furieusement. D’autres personnages font leur apparition, au gré d’une narration libre et d’une temporalité explosée : un étudiant en théologie dont tombera amoureux Alex, Renato l’artiste, la troublante Kiki...

Ecriture qui tranche dans le vif, les mots tracent le portrait d’une jeunesse libre et désespérée, qui refusant l’avenir et ses lendemains, menacée par l’ennui, explore à force de promenades qui ont le goût de marches forcées, les limites du corps et des envies.

Pas de fausse morale bourgeoise chez ses jeunes roumaines, mais des désirs vertigineux et des chagrins à se jeter par la fenêtre, l’amour qui brûle, glacera l’instant d’après et vous laissera en loque. Il y a chez Cecilia Stefanescu, auteure présentée en France dans le cadre des Belles Etrangères 2005, une verve et une liberté qui détonnent et rappellent une certaine littérature des années 60, la noirceur en plus. Ce premier roman a suscité des réactions scandalisées dans son pays mais l’enthousiasme des lecteurs.