Odile Perrot

Les équivoques de la démocratisation sous contrôle international. Le cas du Kosovo (1999-2007)

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Par Jean-Arnault Dérens

C’est ouvrage précieux et très utile que vient de publier Odile Perrot, adapté de sa thèse de doctorat, mais également nourri d’une expérience de terrain en tant que Démocratization officer au sein de la mission de l’OSCE au Kosovo d’octobre 2000 à janvier 2002.

La politologue remet le « cas » du Kosovo dans le contexte plus global de la « transitologie », ce qui permet de comprendre les références intellectuelles et les motivations politiques qui ont présidé à l’approche internationale de la question du Kosovo et à la mise en place des différentes missions (KVM, MINUK, OSCE). Elle a ainsi des pages très éclairantes sur la « démocratie en kit » que promeuvent ces « experts » internationaux, montrant combien la « démocratisation » se réduit au bout du compte à un savoir-faire (organisation d’élections, incessants trainings, « software de l’OSCE », etc), ce qui aboutit à « dépolitiser la démocratie » (p.296).

Elle pointe aussi avec pertinence les limites de « l’ambition universaliste de la démocratisation » : certains croyaient peut-être en effet que cette « démocratisation contrôlée », au Kosovo comme en Bosnie-Herzégovine (ou d’autres régions du monde), aurait suffi pour guérir les traumatismes du passé et régler les problèmes politiques irrésolus.

Ce livre est d’ailleurs un guide clair et pratique pour se repérer dans le maquis de ces différentes organisations, dans celui des innombrables institutions créées, modifiées, reformatées depuis l’instauration du protectorat international, pour comprendre le fonctionnement des fameux « piliers » de la MINUK.

Odile Perrot fait le choix de ne pas juger, estimant qu’une critique systématique de la MINUK et du dispositif international au Kosovo serait trop facile. On peut néanmoins regretter qu’elle ne tente pas plus fréquemment d’esquisser des éléments de bilan des programmes et des projets déployés.

Odile Perrot, se basant sur sa propre expérience, qu’elle parvient à « mettre en perspective » d’une manière épistémologiquement très valable, esquisse même une véritable anthropologie politique des personnels des missions internationales, expliquant - sans juger - les motivations, les modes de vie et de travail, les références culturels de ces fonctionnaires internationaux qui jouent un rôle majeur dans l’histoire du Kosovo. Elle décrit ainsi la formation et le fonctionnement de « des communautés épistémiques, à la charnière deu militantisme et de l’expertise », qui se positionnent sur « le marché de la construction de l’État de droit » (p.176).

On peut, certes, déplorer un balayage un peu rapide de l’histoire, qui n’évite pas quelques racourcis un peu gênants, mais ce n’est pas là l’essentiel de l’apport d’Odile Perrot.

L’ouvrage est enrichi de nombreuses annexes (résolutions internationales, biographies, etc), qui le rendent indispensable à quiconque veut travailler sur le Kosovo, et poursuivre la réflexion, documents en main. La réflexion engagée par ce livre dépasse cependant le simple cas du Kosovo, pour poser des questions qui, notamment, valent aussi en Bosnie-Herzégovine.