Yves Tomic

La Serbie du prince Milos à Milosevic

|

Le précieux livre d’Yves Tomic comble une lacune importante. Il s’agit d’un véritable manuel d’histoire de la Serbie contemporaine, organisé de manière simple et rationnelle en cinq chapitres : la construction nationale au XIXe siècle, la formation de l’idéologie nationale au XIXe siècle, l’intégration nationale des Serbes dans la Yougoslavie, la question nationale dans la Yougoslavie communiste, la Serbie de Milosevic à la transition démocratique ou, comme l’écrit l’auteur, « du ressentiment à la guerre ».

Alors que beaucoup d’approximations et de raccourcis douteux ont été proférés sur l’histoire yougoslave ces dernières années, la Serbie fait toujours figure de « parent pauvre », moins souvent encore étudiée et plus mal connue que les autres républiques.

Yves Tomic rend accessibles les débats essentiels sur la formation de l’idéologie nationale, en remettant ces débats dans leur contexte historique. Il insiste particulièrement, et à fort juste titre, sur les problèmes spécifiques liés à la dispersion géographique du peuplement serbe dans les Balkans, en identifiant deux « noyeaux » anciens de peuplement, l’un correspondant à peu près à l’actuelle république de Serbie, l’autre à des territoires plus occidentaux situés aujourd’hui en Croatie et en Bosnie. Cette complexité de la territorialisation du peuplement serbe explique sans aucun doute bien des spécificités des idéologies nationales et de l’histoire de la Serbie. Aujourd’hui encore, quelles sont d’ailleurs les frontières de la Serbie, toujours associée au Monténégro, virtuellement amputée du Kosovo, flanquée à l’ouest de la Republika Srpska ? De quel État la ville de Belgrade est-elle la capitale ? Ces questions toujours irrésolues sont de nature à entraver la poursuite des réformes entreprises depuis 2000.

On peut cependant regretter que l’auteur s’en tienne parfois de manière un peu étroite au cadre de la seule Serbie, ce qui rend difficile pour un lecteur non averti la compréhension des interactions entre la Serbie et les autres républiques yougoslaves, notamment lors de l’analyse de l’éclatement de la Fédération. De même, le Monténégro n’est évoqué que par la bande, alors que dès le XIXe siècle, il a souvent été perçu comme « l’autre État serbe ». Malgré ces petites limites, l’ouvrage est indispensable pour quiconque s’intéresse à l’histoire et au devenir de la Serbie et de la péninsule balkanique.