Croatie : menaces et agressions contre les journalistes se multiplient

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La Fédération européenne des journalistes tire la sonnette d’alarme : les journalistes croates – notamment ceux qui enquêtent sur la corruption, le crime organisé et les crimes de guerre – sont de plus en plus souvent les cibles de menaces et de discours haineux. De leur côté, les autorités tardent à réagir.

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Par Jelena Prtorić

© Leo Burnett / International Service for Human Rights

« Aujourd’hui, au milieu de l’autoroute, ma voiture est devenue folle. Elle s’est mise à trembler et à zigzaguer. » Dans un post Facebook publié le 28 octobre dernier, Saša Leković, le président de l’Association des journalistes croates, a raconté avoir failli périr dans un accident de voiture. Le passage chez un garagiste a révélé que deux écrous de sa roue avant droite avaient été à moitié sciés. « Ce n’est pas la première fois que quelqu’un touche aux écrous de ma voiture », a rappelé le journaliste. Saša Leković a déjà reçu plusieurs menaces de mort - dans une lettre et via les réseaux sociaux - depuis qu’il a pris ses fonctions de président de l’Association des journalistes croates, il y a un an et demi. Cette fois, il a décidé d’alerter la police.

Suite à cet incident, la Fédération européenne des journalistes (FEJ-EFJ) a exprimé ses vives inquiétudes et décidé d’alerter la Plateforme pour la protection du journalisme et la sécurité des journalistes du Conseil de l’Europe.

Plusieurs médias et ONG croates ont estimé que cette (présumée) tentative d’assassinat a pour l’objectif de museler la presse et de décourager les journalistes de faire leur travail. Car, cette agression fait partie d’une longue série d’intimidations et d’attaques physiques visant les journalistes croates. En octobre, le rédacteur en chef du site Forum tm, Goran Borković, et la directrice de l’agence de presse croate, Hina, Branka Gabrijela Valentić ont reçu des menaces de mort. Au mois d’avril dernier, Ante Tomić, écrivain et journaliste satirique, avait été verbalement et physiquement agressé. D’autres journalistes ont aussi expliqué avoir été victimes de harcèlement, de discours haineux ou de censures.

La liberté de la presse en recul

La plateforme Mapping Media Freedom, qui recense les violations de la liberté de la presse dans l’Union européenne et dans les pays voisins, a constaté une augmentation de violences contre les journalistes en Croatie. Selon le rapport annuel de Reporters sans frontières, en 2015, Zagreb a reculé de cinq places sur l’échelle de la liberté de la presse dans le monde et est désormais 63ème.

Human rights watch, une ONG basée à Zagreb, a recensé 75 attaques – verbales et physiques - visant des journalistes en Croatie en 2015 et 2016. « Cependant, la police et le procureur ne s’occupent pas sérieusement de cette question », a déploré l’ONG.

Le comité de direction de l’Association des journalistes croates a exigé une réaction rapide des autorités suite à l’agression de Saša Leković. « Nous demandons aux autorités de prendre des mesures urgentes contre toute menace visant les journalistes », ont-ils écrit dans un communiqué. La police a ouvert une enquête sur la tentative d’assassinat de Saša Leković, mais la réaction des autorités politiques se fait toujours attendre.


Cet article est produit en partenariat avec l’Osservatorio Balcani e Caucaso pour le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF), cofondé par la Commission européenne. Le contenu de cette publication est l’unique responsabilité du Courrier des Balkans et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne.