Blog • Saint-Georges tue le dragon, l’église orthodoxe tue la fresque

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A Bucarest, les autorités ont effacé une peinture sur un mur. Les croyants orthodoxes jugeaient le graffiti offensant. La boîte de Pandore est ouverte...

Bucarest, rue Băniei, pas loin de l’Eglise Saint-Georges. Dans ce vieux quartier de la capitale, des maisons de patrimoine mal soignées, des bâtiments délabrés et des boutiques lamentables bordent des rues obscures qui n’ont jamais connu l’asphalte. Sur le mur latéral d’un immeuble, un groupe d’artistes a peint une fresque : un mélange post-moderne et ironique des représentations classiques de Saint Georges qui tue le dragon. La peinture s’étend sur les quatre niveaux de la maison. L’image saute aux yeux : c’est la seule tache de couleur dans ce quartier gris.

A Bucarest, les autorités considèrent les graffitis comme des actes de vandalisme. Cette fois-ci, les artistes ont obtenu l’accord du propriétaire. Mais peu après le « vernissage », le propriétaire a dû donner des explications à la paroisse de l’église voisine. Les gens jugeaient l’image offensante. Suite aux plaintes et aux pressions de représentants de l’Eglise orthodoxe, les autorités locales décident d’effacer rapidement la peinture. Le petit groupe d’artistes est invité à créer un nouveau dessin, « correct », sur le mur blanchi. Ce sera chose faite un samedi matin.

L’incident a rapidement mobilisé la société civile et surtout la communauté artistique. Les activistes et les artistes accusent la censure et l’obéissance, voir même l’asservissement des autorités par rapport à l’Eglise orthodoxe roumaine. Sur Facebook, des centaines d’utilisateurs critiquent la vision bornée de l’Eglise par rapport à l’art. Sur la photo du mur blanchi, des artistes on fait des dessins et des collages – une manière créative de dénoncer la censure et de soutenir la laïcité.

Mais la polémique autour du mur porte sur des questions bien plus importantes que l’effacement ou la censure d’une œuvre d’art. Il s’agit de l’utilisation de l’espace public et des rapports entre les citoyens et les autorités. Qui décide ce qui est offensant et ce qui ne l’est pas ? Y-a-t-il besoin d’un arbitrage ? Peut-on affirmer / dessiner n’importe quoi, où que ce soit ? A Bucarest, les artistes s’engagent du côté de la liberté.

PS : Petite curiosité : Pourquoi l’Eglise orthodoxe roumaine s’empresse à effacer une « icône » post-moderne, alors qu’il y a tant d’icônes et de fresques à valeur patrimoniale, des chefs d’œuvre d’art byzantin, qui nécessitent urgemment des travaux de restauration au risque d’être effacés par l’histoire ?