Bosnie-Herzégovine : l’appel des « Enfants de Srebrenica » pour Alep

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On a trop souvent dit « plus jamais ça ». Il est temps de prendre nos responsabilités, de démilitariser la planète, car nous sommes tous responsables. « Les enfants de Srebrenica » appellent à un rassemblement de solidarité avec la population d’Alep vendredi 23 décembre, au Mémorial de Potočari. Le texte de l’appel.

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© Laurent Geslin / CdB

Nous regardons avec effroi ce qui se passe à Alep, en Syrie. Des enfants, des femmes, des civils sont victimes d’atrocités. Des enfants, des femmes, des civils sont pris au piège dans un quartier de la ville assiégée, sans eau, sans nourriture, sans médicaments, sans électricité. Chacun de nous peut voir ces appels à l’aide désespérés qui viennent d’Alep, mais ce n’est pas suffisant de cliquer sur Facebook ou Twitter, de regarder, de partager sur nos murs, alors que pas un gouvernement ne bouge le petit doigt pour changer la situation. Il semble que les intérêts économiques et politiques de nos gouvernements sont plus importants que la vie des innocents.

Il y a seulement vingt et un ans, à Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, nous étions comme les gens d’Alep. Nos pères, nos frères, nos enfants étaient horriblement massacrés et d’autres le furent plus loin, dans le silence et nous regardions comme nous regardons Alep aujourd’hui. Nous lancions des appels désespérés à la communauté internationale. Nous imaginions que l’Europe ne permettrait jamais que cela arrive. Nous pensions que nous avions appris depuis l’Holocauste, depuis les camps de concentration et de la mort. Nous avions tort : c’est arrivé de nouveau. Et c’est arrivé sous le drapeau des Nations unies, dans une enclave protégée par les soldats de la paix des Nations unies. 8 329 personnes tuées, leurs corps jetés dans des fosses communes. Ce fut ce qui est connu dans le monde entier sous le nom de génocide de Srebrenica, le pire massacre survenu en Europe depuis la période nazie.

Aujourd’hui, nous ne pouvons plus rester silencieux devant ce qui arrive en Syrie et à Alep. Pendant des années, nous avons répété en chœur « Plus jamais ça » à chaque commémoration du génocide. Pendant des années, des ministres, des représentants de nos gouvernements ont demandé pardon pour leur responsabilité et répété « Plus jamais ça ». Avons-nous appris quelque chose de Srebrenica ? Combien faut-il de Srebrenica pour que nous comprenions quelque chose ? Combien d’innocents doivent-ils mourir pour que nos yeux s’ouvrent ? Combien d’enfants doivent-ils devenir orphelins pour toucher nos cœurs ?

Il est temps que l’humanité montre qu’elle a appris quelque chose. Il est temps de construire des ponts d’espoir entre tous les êtres humains. Il est temps d’abattre les murs des préjugés qui ont été érigés pour nous séparer. Il est temps de démilitariser nos pays. Chacun de nous est victime et responsable de la situation actuelle, chacun de nous a le pouvoir de la changer, de rendre ce monde meilleur. Si ce monde ne change pas maintenant, si ce monde n’ouvre pas ses portes et ses fenêtres, s’il ne construit pas la paix – une paix véritable – pour que nos enfants aient une chance d’y vivre, alors nous sommes incapables d’expliquer pourquoi il y a eu Srebrenica.

Peu d’entre nous ont survécu, et peu d’entre nous ont trouvé le courage de revenir vivre à Srebrenica. Mais aujourd’hui, il est de notre responsabilité d’appeler les gouvernements à nous écouter. Il faut arrêter la guerre en Syrie, il faut prendre en charge tous les civils victimes d’atrocité, il faut commencer un nouveau processus démocratique de construction de la paix. Aujourd’hui, il est de notre responsabilité d’appeler l’humanité entière à nous écouter. De pousser nos gouvernements à commencer la démilitarisation de nos pays. De fermer les usines d’armement. Nous appelons l’humanité toute entière à devenir humaine, sensible, à comprendre les besoins de l’autre et à être solidaire.

Vendredi 23 décembre, nous organiserons une manifestation pacifique au mémorial et au cimetière de Potočari où sont enterrés beaucoup de nos êtres chers tués durant le génocide de Srebrenica. Nous appelons une fois de plus le monde à ouvrir les yeux devant la situation en Syrie. Il y a 21 ans, le monde a fermé les yeux et nous a laissé nous faire massacrer comme des animaux. Nous espérons que tous ont tiré des leçons de cette douloureuse expérience. Nous espérons que le monde ne fermera pas les yeux une nouvelle fois. Nous espérons qu’il n’y aura plus jamais de Srebrenica, pour personne et nulle part au monde.

Les enfants de Srebrenica.