Serbie : les 10 recommandations de RSF aux nouveaux élus pour soutenir la liberté de la presse et la fiabilité l’information

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À l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat du journaliste Slavko Ćuruvija, Reporters sans frontières (RSF) appelle les élus aux élections présidentielle et législatives serbes à faire preuve de volontarisme politique en faveur du droit à l’information. L’organisation demande une défense active de la liberté de la presse, un système judiciaire protecteur des journalistes et un cadre législatif et réglementaire garantissant l’indépendance des médias.

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Ce 11 avril, cela fait 23 ans que l’assassinat du journaliste d’investigation serbe Slavko Ćuruvija a été commis. Les auteurs du crime ne sont toujours pas définitivement condamnés. Les quatre accusés - dont l’un est en fuite - seront prochainement jugés en appel. Emblématique de l’impunité des crimes commis contre les journalistes en Serbie, le cas de Slavko Ćuruvija incarne aussi les menaces auxquelles sont toujours confrontés ses confrères et consœurs, comme il l’était avant son assassinat : accusations d’être un ennemi public, campagnes de dénigrement, surveillance et violences. Par ailleurs, comme en 1999, les médias indépendants sont en concurrence avec des organes de presse qui diffusent de la propagande, dernièrement sur la guerre en Ukraine.

Or, les élections présidentielle et législatives, qui ont eu lieu dans ce contexte tendu le 3 avril, peuvent être l’occasion de donner un nouveau souffle à la défense d’une information fiable et de qualité. Si les résultats du scrutin ne sont pas encore confirmés, RSF soumet au débat public dix recommandations concrètes - préparées en coopération avec des experts serbes - que les futurs président, premier ministre et députés pourront mettre en œuvre sur le plan politique, judiciaire et réglementaire.

“La guerre en Ukraine rappelle à la Serbie comme à l’Europe entière combien l’information fiable est indispensable pour notre sécurité, déclare le responsable du bureau EU/Balkans, Pavol Szalai. L’assassinat de Slavko Ćuruvija, quant à lui, est un memento sur les menaces et l’impunité auxquelles sont confrontés ceux qui ont repris le flambeau de son professionnalisme et de son indépendance. Nous demandons aux candidats élus aux élections présidentielle et législatives serbes d’être à la hauteur de ce rendez-vous historique et d’adopter une forte politique volontariste à l’égard du droit à l’information et de la liberté de la presse. S’ils s’approprient nos recommandations, les nouveaux élus renforceront à la fois les chances de la candidature de la Serbie pour intégrer l’Union européenne et la capacité du projet européen de résister aux défis mondiaux.”

Les dix propositions de RSF aux candidats élus en Serbie

Une politique active de défense de la liberté de la presse et du droit à l’information

1. Condamner systématiquement et publiquement les tentatives de discrédit et des attaques verbales, en particulier lorsqu’elles sont perpétrées par des acteurs politiques, à commencer par les responsables de leurs propres partis.

2. Faire preuve d’une tolérance zéro à l’égard des responsables politiques qui attaquent les médias, ce qui implique leur suspension voire leur démission de postes importants.

3. Répondre à toutes les questions et demandes d’informations de la part des médias de manière équitable, ce qui contribuera à une couverture médiatique pluraliste, honnête et équilibrée.

4. Proposer une nouvelle législation qui étende l’accès à l’information publique (Freedom of Information Act) et protège les journalistes contre les procédures-bâillons (SLAPP).

Un système judiciaire protecteur des journalistes

5. Garantir une mise en œuvre rapide et régulière des instructions contraignantes ordonnant aux procureurs d’agir d’urgence dans les cas de violence contre les journalistes et les médias.

6. Allouer des ressources financières et humaines adéquates aux équipes institutionnelles membres de la commission chargée d’enquêter sur les assassinats des journalistes Slavko Curuvija, Radislava Dada Vujasinovic et Milan Pantic, et fournir à la commission un accès illimité à la documentation de l’État, afin de résoudre ces affaires et de rendre justice.

7. Veiller à ce que les efforts déployés par la Commission pour enquêter sur ces meurtres soient effectivement suivis de l’ouverture de poursuites judiciaires (actes d’accusation) intentés par le procureur.

Un cadre réglementaire facilitant l’indépendance des médias

8. Garantir l’impartialité et l’efficacité de l’Autorité de régulation des médias électroniques (REM), notamment en :
 réduisant la part des membres du Conseil du REM nommés par les instances politiques ;
 renforçant la transparence de la prise de décision du REM, notamment en améliorant la disponibilité publique de ses décisions sur son site web et en rendant leurs réunions ouvertes au public via une diffusion en direct ;
 dotant le REM d’une compétence de suspendre les autorisations de diffusion et en soumettant au débat public l’extension de compétences du REM lui permettant d’imposer aux médias des sanctions financières.

9. Veiller à l’allocation équitable des fonds publics aux médias, notamment en garantissant :
 la qualification des membres du jury qui sélectionne les bénéficiaires des fonds publics ;
 l’attribution des fonds publics aux seuls médias qui respectent le Code de déontologie des journalistes, l’implication du Conseil de presse dans le processus décisionnel et la prise en compte par ce dernier d’un standard européen de procédures journalistiques professionnelles comme la Journalism Trust Initiative lancée par RSF ;
 la transparence du processus décisionnel du jury, en particulier des critères de sélection, et la publication régulière de rapport sur les décisions du jury.

10. Attribuer des fréquences nationales de manière transparente, indépendante de toute influence politique et uniquement aux médias respectant le Code de déontologie des journalistes.

La Serbie est classée 93e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.