Votre Excellence,
L’honorable Monsieur Emanuele Giaufret,
Nous nous adressons à vous au nom de la communauté académique de Serbie, soutenue par nos étudiants engagés dans les manifestations, ainsi que par les citoyens qui protestent depuis des années contre les intentions de la société Rio Tinto — avec le soutien du gouvernement de la République de Serbie et des institutions de l’Union européenne — de poursuivre la mise en œuvre du projet d’extraction et de traitement des minéraux « Jadar ».
Nous plaidons pour un progrès global en conformité avec les principes du développement durable, garantissant la protection intégrale de toutes les personnes et communautés contre la soumission à des entités plus puissantes, dans le but d’atteindre la justice et l’égalité des droits pour tous.
Nous sommes convaincus que :
• Vivre dans un environnement sain et sécurisé est un droit fondamental ;
• L’eau est une ressource naturelle inestimable et un bien public essentiel ;
• Les terres agricoles sont d’intérêt national vital pour la République de Serbie ;
• La protection, la préservation et la valorisation des forêts et de la biodiversité constituent un intérêt commun pour tous les citoyens ;
• L’air, en tant que bien naturel d’intérêt général, doit faire l’objet d’une protection particulière ;
• Le droit à un environnement sain et à un accès complet à l’information concernant son état est garanti par la Constitution à tous les citoyens ;
• Toutes les entités, en particulier les décideurs en République de Serbie et à l’étranger, sont tenues de respecter ces principes écologiques fondamentaux et les droits constitutionnels des citoyens.
Nous exprimons notre profonde inquiétude concernant :
• Le mépris des avertissements scientifiques et professionnels fondés sur les conséquences potentiellement nocives et irréversibles que le projet « Jadar » pourrait avoir sur les ressources naturelles, l’environnement et les biens d’intérêt public ;
• Les effets néfastes scientifiquement prouvés, déjà présents, sous forme de contamination de l’eau et du sol dans les zones où des recherches géologiques pour l’extraction de lithium et de bore dans la vallée de Jadar ont été menées au cours des deux dernières décennies ;
• L’absence d’évaluation sérieuse de l’impact du projet « Jadar » sur la santé publique dans les documents stratégiques-clés, en dehors de l’affirmation vague selon laquelle « certains impacts sur la santé » seront suivis uniquement après la mise en œuvre du projet ;
• Le manque total de transparence dans les activités de Rio Tinto en Serbie, y compris l’interdiction faite aux autorités de l’État de permettre l’accès du public aux documents pertinents relatifs au développement du projet « Jadar » ;
• La violation systémique des droits de propriété à travers l’expropriation de biens privés au profit des intérêts privés de la multinationale Rio Tinto ;
• Les violations documentées de la législation serbe par Rio Tinto et sa filiale Rio Sava Exploration d.o.o. Belgrade, dans les domaines de la protection des terres agricoles, de la gestion des déchets, de la recherche minière et géologique, de la protection de l’environnement et de la fiscalité ;
• Les ajustements législatifs dans le secteur de la recherche minière et géologique faits sur mesure pour servir les intérêts de Rio Tinto, notamment l’adoption inconstitutionnelle des lois sur l’évaluation d’impact environnemental et l’évaluation environnementale stratégique, dont les textes ne correspondent pas aux projets présentés au Parlement et qui n’ont pas été modifiés durant la procédure législative ;
• L’attitude alarmante de soumission de l’administration de l’État serbe envers Rio Tinto, aboutissant à l’émission d’actes administratifs illégaux en faveur de l’entreprise ;
• Les soupçons fondés de corruption systémique entourant le développement du projet « Jadar », comme en témoignent les documents officiels ;
• Les indices selon lesquels les autorités compétentes de la République de Serbie, malgré l’opposition massive de la majorité des citoyens, ont donné leur accord direct à Rio Tinto pour soumettre le projet « Jadar » dans le cadre de l’appel à propositions lancé par la Commission européenne dans le cadre du CRMA.
Nous croyons fermement que :
• Des millions de citoyens serbes, exerçant leur souveraineté, ne permettront pas l’extraction et le traitement du jadarite sur leur territoire ;
• Les institutions de l’Union européenne sont conscientes des déficiences de l’état de droit en Serbie et de la légitimité discutable de tout gouvernement soutenant le projet « Jadar » ;
• La Commission européenne reconnaît que les investissements financiers des institutions de l’UE dans le projet « Jadar » représenteraient un risque élevé, en raison de l’infaisabilité d’un projet rejeté par la majorité écrasante de la population serbe ;
• Une insistance persistante de la Commission européenne à soutenir le projet « Jadar » contre la volonté des citoyens serbes nuirait gravement à la crédibilité de l’Union européenne et à la confiance du public dans ses institutions.
LA DEMANDE
Par la présente, nous exigeons que la Commission européenne rejette sans équivoque la proposition de la société Rio Tinto d’inclure le projet « Jadar » dans la liste des « projets stratégiques pour l’Union européenne dans les pays tiers », telle que prévue dans le cadre du Règlement sur les matières premières critiques (CRMA).
Nous vous prions respectueusement de transmettre cet appel à la Commission européenne.
Les membres de la communauté académique de la République de Serbie