Serbie : RSF veut des explications sur la surveillance de courriers électroniques de journalistes

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Reporters sans frontières (RSF) demande au gouvernement serbe d’enquêter sur une possible interception des courriers électroniques des journalistes de l’hebdomadaire Nedeljnik, et souhaite que les résultats de l’enquête soient rendus publics.

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Aleksandar Vulin
Wikipedia

L’Agence de presse serbe Tanjug a publié le 16 février une déclaration de l’actuel ministre de la Défense, Aleksandar Vulin, faite en réponse à une tribune très critique, jugée injurieuse, rédigée par l’ancien ministre de la Défense aujourd’hui dans l’opposition, Dragan Šutanovac.

Dans sa déclaration, reprise par de nombreux médias, le ministre en exercice indiquait que la tribune de Dragan Šutanovac avait été publiée par l’hebdomadaire indépendant Nedeljnik. Or, le texte a seulement été envoyé par e-mail au rédacteur en chef du magazine Veljko Lalić et un autre journaliste, Marko Prelević.

« RSF s’inquiète que des échanges entre des responsables de l’opposition et des médias indépendants soient surveillés et interceptés par le pouvoir en place, déclare Pauline Adès-Mével, rédactrice en chef de RSF. Nous demandons que toute la lumière soit faite sur cette affaire. »

La direction de l’hebdomadaire Nedeljnik a fait une mise au point : « Šutanovac a envoyé sa tribune lundi. Le mardi après-midi, le rédacteur en chef Lalić lui a répondu qu’il ne la publierait pas, ni dans l’édition papier, ni sur le Web. Le texte est donc resté dans les courriers électroniques de l’auteur et des deux journalistes auxquels il l’avait transmis ». M. Šutanovac avait ensuite indiqué à l’hebdomadaire qu’il allait proposer sa tribune à d’autres médias.

Le ministre de la défense Aleksandar Vulin a présenté ses excuses à Nedeljnik et affirmé qu’il demanderait personnellement aux organismes compétents d’examiner cette affaire. Puis, son cabinet a précisé qu’il avait confondu l’hebdomadaire Nedeljnik avec le tabloïd Kurir, qui avait récemment publié une interview de Dagan Šutanovac.

Ces explications n’ont pas satisfait l’hebdomadaire : « il est difficile de croire qu’une personne travaillant quotidiennement avec les médias, par exemple au service de relations publiques du ministère de la Défense, puisse confondre le quotidien Kurir avec l’hebdomadaire Nedeljnik ». Autre fait troublant : Nedeljnik a reçu un texte rédigé, alors que Kurir avait réalisé une interview. En outre, dans sa déclaration, le ministre Aleksandar Vulin commente des propos de Šutanovac sur la coopération serbo-russe, présents dans la tribune non-publiée, mais pas dans l’interview de Kurir.

Cette affaire qui provoque un tollé en Serbie, en rappelle une autre survenue en mars 2016 . À l’époque , le journal Informer avait diffusé des éléments d’une enquête non publiée du site d’investigation Krik, concernant les avoirs du premier ministre de l’époque, Alexandar Vucic.

De tels épisodes soulignent le manque d’indépendance des médias serbes et leur collusion avec certains responsables politiques dans le pays qui occupe la 90e place dans le Classement de la liberté de la presse 2019 établi par RSF, accusant un net recul année après année.