Blog • Une Journée de la « roumanité balkanique », pour quoi faire ?

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Le projet de célébration de la « roumanité balkanique » le 10 mai soumis au Parlement roumain s’inscrit, selon la Communauté aroumaine de Roumanie, dans une tentative d’assimilation abusive des Aroumains de Grèce, de Macédoine du Nord, d’Albanie et, bien entendu, de Roumanie. Elle proteste dans un communiqué dont voici la traduction.

Par Constantin Damov, président de la Communauté aroumaine de Roumanie.

Constantin Damov, président de la Communauté aroumaine de Roumanie.
© Capture d’écran / Youtube

À l’attention des députés du Parlement roumain appelés à voter le projet de loi sur la Journée de la roumanité balkanique

Comme en témoignent son statut, ses initiatives et les actions entreprises depuis sa fondation, la Communauté aroumaine de Roumanie (Comunitatea armână din România) représente les Aroumains (Armânjlji) de Roumanie qui souhaitent conserver leur langue et leur culture. Cette langue et cette culture sont les mêmes que celles des Aroumains des autres pays balkaniques reconnus de jure ou de facto comme tels. C’est la raison pour laquelle la Communauté aroumaine de Roumanie tient à exprimer son désaccord avec le projet de loi instituant une Journée de la roumanité balkanique, projet au sujet duquel elle n’a d’ailleurs pas été consultée.

L’argument invoqué, à savoir le décret ottoman de 1905, se réfère à la « nation valaque » (ullah milet) et non pas à la « nation roumaine ». Cette dernière était déjà reconnue sur le plan international, y compris par l’Empire ottoman. Rappelons d’ailleurs que les Aroumains sont aujourd’hui reconnus comme minorité aroumaine en Macédoine du Nord et en Albanie, la Grèce reconnaissant seulement les minorités confessionnelles.

En décrétant une Journée de la roumanité balkanique, l’État roumain assimilerait purement et simplement les Aroumains aux Roumains. Ceci constituerait un abus manifeste qui risque de porter préjudice aux efforts entrepris en leur faveur par les États balkaniques dans lesquels les Aroumains sont reconnus comme minorité. Leur histoire, leur langue, leur culture, sont différentes non seulement de celles des Albanais ou des Grecs mais aussi de celles des Roumains.

Pas plus que l’argument linguistique, à savoir l’appartenance de l’aroumain et du roumain à l’aire de la romanité orientale ou balkanique, l’argument historique, c’est-à-dire la politique menée jadis par l’État roumain dans les Balkans, ne justifie une telle assimilation. Une Journée de la romanité balkanique pourrait être la bienvenue, mais pas une de la roumanité balkanique. L’appui que pourrait fournir à l’avenir l’État roumain à la préservation de la langue et de la culture aroumaines dans les Balkans serait également d’un grand secours mais à condition que celles-ci soient reconnues dans leur spécificité.

Précisons, enfin, qu’en adoptant ce projet de loi le Parlement roumain enfreint les dispositions des traités européens, le droit à l’identité culturelle, les critères de Copenhague de l’année 1995 certifiés par le Conseil européen de Madrid en 1995.

Par conséquent, pour les raisons invoquées plus haut, nous estimons que l’initiative législative n° 45/2020 doit être rejetée.