L’écho du lac, un récit de Kapka Kassabova

« Dans notre lignée de femmes, je représente la quatrième génération à émigrer. » C’est pour rompre cette spirale de l’exil que Kassabova se rend aux sources de son histoire maternelle, les lacs d’Ohrid et Prespa, les deux plus anciens lacs d’Europe. Elle parcourt leurs rives, grimpe les montagnes alentour, se baigne dans leurs eaux et, au gré de ses rencontres – gardien d’église troglodyte, guide ou pêcheur –, collecte les histoires agitées de cette région des Balkans située à cheval entre la Macédoine du Nord, l’Albanie et la Grèce.
Kapka Kassabova jongle avec les registres et mêle habilement récits familiaux, légendes locales et faits historiques pour mener une réflexion à la fois intime et universelle sur l’identité, celle dont nous héritons et celle que nous façonnons.
Ton fils Huckleberry Finn, un roman de Bekim Sejranović

Ton fils Huckleberry Finn est une odyssée fluviale de 24 heures à la recherche d’un père introuvable. Un père qui a voulu bien faire en revenant d’Australie pour passer un peu de temps avec son fils sur la Save, ce cours d’eau mythique des Balkans. Déclaration d’amour immature à une rivière fantasmée et à un pays disparu, récit expérimental et hallucinatoire d’un documentaire en train de se déliter, réflexion sur l’exil et sur les malentendus intergénérationnels, Ton fils Huckleberry Finn embarque son lecteur dans un voyage à l’ironie douce-amère. Une sorte de Lost in la Sava facétieux et jubilatoire.
Bekim Sejranović (1972-2020) a vécu en Bosnie-Herzégovine, en Norvège, en Slovénie et en Croatie. Ses œuvres sont notamment traduites en norvégien, anglais, slovène, macédonien, allemand, tchèque, italien et polonais.
Pêcheurs d’éponges
, un témoignage de Yánnis D. Yérakis
Au soir de sa vie, Yánnis Yérakis (1887-1971), ancien plongeur nu pour la pêche aux éponges, ressent l’impérieuse nécessité de témoigner pour les générations futures. Natif de la petite île grecque de Kalymnos (Dodécanèse), il a connu dans sa jeunesse la pauvreté, l’exil forcé dans les bagnes industriels pour enfants de la Russie d’autrefois, à Saint-Pétersbourg, puis les drames de la révolution d’Octobre.
« Je sais qu’on a déjà écrit sur les pêcheurs d’éponges, les requins, les scaphandriers, mais toujours sous forme de récits ou de romans de deuxième ou troisième main. C’est une chose d’écouter une histoire, une autre de la voir, de la vivre et d’en subir les conséquences. […] Cela m’oblige à mettre [ces faits] par écrit pour ne pas les emporter avec moi et les faire disparaître. »
Le matin où j’aurais dû mourir
, un roman de Semezdin Mehmedinović
Mehmed aurait dû mourir à cinquante ans d’une crise cardiaque. Grâce à sa femme, Sanja, les secours arrivent à temps. Il devra cependant suivre un traitement qui pourrait altérer sa mémoire. Lui qui un jour a dû fuir son pays et y laisser une partie de son passé ne peut supporter cette idée. Il décide de se rendre avec son fils à Phoenix, Arizona, la ville où ils se sont réfugiés vingt ans plus tôt afin d’y consigner ensemble leurs souvenirs. Dans ce texte inspiré par la vie de l’auteur, la guerre, l’exil et la maladie malmènent des personnages inoubliables que l’amour et l’art sauvent à jamais du désastre.
La fenêtre russe
, un roman de Dragan Velikić
La Fenêtre russe met en scène deux personnages principaux : Daniel, un chef d’orchestre âgé, fait le bilan de sa vie, de toutes les opportunités loupées, dans une sorte de confession adressée à Rudi Stupar, jeune comédien raté. À la fin des années 90, ce dernier quitte son pays bombardé et dérive à travers l’Europe de petit boulot en petit boulot, s’inventant des vies, composant et décomposant sa propre personnalité dans un effort constant pour réconcilier la réalité de son existence avec ses attentes et la conviction qu’il accomplirait de grandes choses.
« Peut-être notre identité véritable se trouve-t-elle dans tout ce qu’on a omis. » Pour ce roman explorant l’histoire européenne de la fin du XXe siècle d’un point de vue intime Dragan Velikić a reçu les deux prix littéraires les plus importants en Serbie : le prix NIN et le prix Meša Selimovic en 2007.
Une fenêtre russe est une petite fenêtre encastrée dans une plus grande, utilisée pour la ventilation dans les régions froides ; « une tentative d’inhaler le monde extérieur sans perdre notre chaleur intérieure ».
Le cycle de la mort
, un roman de Thomas Korovinis
Thessalonique, années 1960. Le député de gauche Grigoris Lambrakis est assassiné par les fascistes. Alors que le coup d’État menace, on arrête enfin le « monstre de Seikh Sou » qui sévit dans la forêt éponyme depuis quelques années, en perpétrant de terrifiants crimes en série. Le monstre, c’est Aristos, jeune orphelin marginal, qui vivote dans les bas-fonds de la cité de petits larcins et de prostitution. Une enquête expéditive et un procès bâclé : le faits divers idéal pour détourner l’attention d’un événement politique majeur.
Voyage au Liberland
, un récit de Timothée Demeillers et Grégoire Osoha
Entre la Serbie et la Croatie, sur une rive du Danube, se trouve une terra nullius, une terre non revendiquée. Une aubaine pour Vít Jedlička, homme politique tchèque, qui en profite pour y créer un État de toutes pièces dont il s’autoproclame président. En 2015 naît le Liberland.
Voyage au Liberland est le récit d’une enquête autour du monde à la recherche d’un État illusoire et de ses citoyens avides de liberté et d’argent.
Timothée Demeillers et Grégoire Osoha, Voyage au Liberland, Éditions Marchialy, Paris, 2022, 304 pages, 20 euros.
Et toujours disponibles :
• L’eau rouge, un roman de Jurica Pavičić
Dans un bourg de la côte dalmate, en Croatie, Silva, 17 ans, disparaît lors de la fête des pêcheurs. C’est un samedi de septembre 1989, dans la Yougoslavie agonisante. L’enquête menée par l’inspecteur Gorki Šain fait émerger un portrait de Silva plus complexe que ne le croyait sa famille : la lycéenne scolarisée à Split menait-elle une double vie ? Mais l’Histoire est en marche, le régime de Tito s’effondre, et au milieu du chaos, l’affaire est classée. Seule la famille de Silva poursuit obstinément les recherches...
• Là où se mêlent les eaux, des Balkans au Caucase, dans l’Europe des confins, un récit de Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin
Une ville sans cimetière, une langue comprenant quatre-vingt-trois consonnes, une marina qui n’existe pas sur les cartes, d’anciens sous-marins soviétiques à vendre, des frontières que seul un aveugle peut traverser, des vallées perdues et des fronts de mer reconquis, des jeunes radicalisés et des vieux-croyants…
• Journal d’un timonier et autres récits, des nouvelles de Nikos Kavvadias
Nikos Kavvadias (1910-1975) est l’auteur d’un unique roman, Le Quart, d’inoubliables nouvelles comme Li, marin amoureux. Poète rêveur triste et émerveillé, c’est le Blaise Cendrars de la littérature grecque du XXe siècle.
• Les fossoyeuses, un récit de Taina Tervonen
Une anthropologue, une enquêtrice, une journaliste : trois femmes font parler les morts et les vivants, en quête de vérité dans un pays marqué par la guerre. Senem est anthropologue judiciaire, et Darija enquêtrice. L’une travaille avec les morts, l’autre avec les vivants, dans un pays traumatisé par les guerres des Balkans : la Bosnie-Herzégovine. Ces deux femmes d’une trentaine d’années n’ont pas choisi leurs métiers très particuliers, liés à l’histoire de leur pays. Senem est chargée d’identifier les ossements humains retrouvés dans des charniers vieux de dizaines d’années, quand Darija se rend dans les familles comptant des disparus pour écouter leur parole et prélever leur ADN.