Le Kosovo, quatre fois plus petit que la Suisse et avec une population telle que cela de la ville allemande Hambourg (environ 1,8 million), a obtenu son indépendance en 2008 de la Serbie suivant l’intervention de l’OTAN en 1999. C’était la première fois que l’alliance atlantique intervenait sans que l’article 5 de sa charte soit remise en cause. La motivation étant que Milošević avait mis en marche un genocide féroce contre la population albanaise, pourtant la seule manière de l’arrêter c’était d’intervenir militairement.
Trois mois après le début du conflit, le 10 juin 1999, les Nations unies adoptaient la résolution 1244 autorisant une présence civile et militaire internationale intérimaire (Unmik), établie pour une période initiale de douze mois, dans l’ancienne république de Yougoslavie et reconnaissant la souveraineté de cette-ci. Pendant ce temps-là le secrétaire général a été prié de tenir le Conseil de sécurité informé de l’évolution de la situation sur le terrain.
En effet, la résolution 1244 gouvernes de facto jusqu’à présent dans le nord du pays. La réalité est que la communauté internationale se trouvait à ce temps là devant une situation sans précédent. D’un côté elle visait à mettre fin à la guerre et avec elle au genocide perpétré contre la population albanaise par la Serbie. D’autre côté elle était obligée à faire des compromis. Au final ce modus operandi est valable dans tous les conflits. Autrement dit, on essaie de satisfaire toutes les parties en guerre. Toutefois cela implique souvent l’émergence de mécontentement et de garder le conflit gelé comme au Kosovo, à Chypre et dans d’autres endroits au niveau international.
À travers Unmik le Kosovo pourrait exercer sa gouvernance -en attendant une solution concernant le statut final- grâce à la création d’institutions provisoires d’administration autonome. Les principales responsabilités de la présence civile internationale comprenaient la promotion de l’autonomie du Kosovo, l’exercice de fonctions administratives civiles, la supervision du développement des institutions, y compris la tenue d’élections, le maintien de l’ordre public, la protection des droits de l’homme et la garantie du retour en toute sécurité des réfugiés. Unmik est aujourd’hui encore présent au Kosovo sous une forme réduite et plutôt d’observation. Néanmoins sa présence même si limitée crée des confusions et permet à Belgrade de revendiquer que la résolution 1244 soit la seule règle internationale valable sur tout le territoire kosovar.
En février 2004 Unmik mettait en oeuvre la politique des “norms avant le statut” étant le projet central de la mission elle-même. Autrement dit le Kosovo devait progresser sur huit norms -institutions démocratiques qui fonctionnent ; État de droit ; liberté de mouvement ; retours et reintegration, économie ; droits de propriété ; dialogue avec Belgrade e le Corps de protection du Kosovo- que les institutions provisoires d’administration autonome devaient respecter avant que le statut final du Kosovo soit abordé. Mais les événements de mars de la même année détournent brusquement l’attention d’Unmik de cette cible.
En mars 17-18 2004 la situation est dégénérée au Kosovo. Des violences ont éclaté dans la ville divisée de Mitrovica faisant des centaines de blessés et environ 14 morts. Les troubles ont été précipités par des informations parues dans les medias albanais du Kosovo de jeunes qui s’étaient noyés après avoir été pourchassés dans la rivière Ibar par un groupe de Serbes du Kosovo.
Suite à ces événements, la communauté internationale a bien compris la nécessité de procéder au plus vite à la clarification du statut du Kosovo.
Dans ce contexte Maarthi Ahtisaari, ancient diplomate finlandais, a été chargé de presenter une proposition pour le futur règlement du statut. Le 27 mars 2007 le Plan Ahtisaari, officiellement la proposition globale pour le règlement sur le statut du Kosovo (CSP), a été pésenté. Il s’agissait d’un règlement sur le statut couvrant un large éventail de questions liées à ceci. De facto il prévoyait le parcours guidé vers l’indépendance de l’ancienne province serbe. En effet le Plan a été ensuite incorporé dans la constitution du Kosovo adoptée le 9 avril et en prenant effet le 15 juin 2008.
Face au soutien indisputable et décisif sur terrain de la communauté internationale qui était contraire à un retour du Kosovo entre les frontières de l’ancienne république d’Yougoslavie et qui l’avait accompagné de facto vers une « nouvelle naissance », Pristina déclare unilatéralement le 17 février 2008 son indépendance.
Le 22 juillet 2010 la cour internationale de justice a rendu son avis consultatif en annonçant que l’adoption de la déclaration d’indépendance ne violait pas le droit international général.
Seize ans après sa déclaration d’indépendance personne peut nier que le Kosovo soit un sujet à part entière de la communauté internationale. À présent il est reconnu de 118 pays membres des Nations unies. Néanmoins Belgrade ne reconnaît pas Pristina jusqu’à présent et maintient que la résolution 1244 reste juridiquement contraignante pour toutes les parties.
Entretemps douze ans (2012) après que l’Ue a officiellement lancé le dialogue sur la libéralisation des visas avec le Kosovo, six ans (2018) après que la Commission européenne a donné son feu vert en confirmant que le pays remplissait tous les critères nécessaires et en suivant les pressions du gouvernment du Kosovo et de la présidente charismatique Vjosa Osmani, Pristina a finalement obtenu la libéralisation des visas le 1er janvier 2024. Cela implique que les titulaires d’un passeport Kosovar sont autorisés à voyager vers l’Ue sans visa, pendant 90 jours maximum sur une période de 180 jours. Cela permet également aux citoyens de l’Ue de se rendre au Kosovo sans la nécessité de visa.
Malgré diverses accusations sur l’intervention militaire de l’Otan dans l’ancienne province serbe en 1999, le Kosovo est aujourd’hui un État indépendant. La communauté internationale et l’Union européenne doivent pousser Belgrade de manière décisive à reconnaître cette réalité. En particulier Brussels devrait lier les relations de Belgrade avec l’Ue et sa future intégration à sa reconnaissance indisputable du Kosovo en tant que sujet de droit international.
Même si au fil du temps le Kosovo a bien progressé dans plusieurs endroits (lutte contre la corruption, état de droit et.), son accès dans l’Union européenne reste malheureusement encore un désir sans date. Entre autres on a peur pour part de Bruxeles de répéter une deuxième Chypre.
Ceci, la troisième île plus grande de la Mediterannée, fait partie geografiquement de l’Asie occidentale, mais ses liens culturels et géopolitiques sont majoritairement européens du sud-est. Tant qu’île stratégique dans la Mediterannée de l’est, Chypre a été occupé par plusieurs grandes puissances y compris des empires des Assyriens, des Égyptiens et des Perses, dont l’île fut saisie en 333 avant JC par Alexandre le Grand.
Son avenir est devenu un sujet de désaccord entre les deux principales communautés ethniques, les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs. À partir du XIXe siècle, la population chypriote grecque a poursuivi l’enosis c’est-à-dire l’union avec la Grèce, qui est devenue une politique nationale grecque dans les années 1950.
La population chypriote turque a d’abord préconisé le maintien de la domination britannique. Ensuite elle a demandé l’annexion de l’île à la Turquie et, dans les années 1950, elle a mis en place avec Istanbul une politique de taksim c’est-à-dire de partition de Chypre et la création d’un régime politique turc dans le nord.
Suite aux violences nationalistes des années 1950, Chypre a obtenu l’indépendance du Royaume-Uni en 1960. Néanmoins un État chypriote turc distinct dans le nord a été crée par déclaration unilatérale en 1983. Cette décision a été largement condamnée par la communauté internationale, la Turquie étant la seule à reconnaître le nouvel État. Aujourd’hui l’île est encore divisée entre le nord sous domination turque et le sud à majorité grecque-chypriote. Nicosia, sa capitale, reste la seule divisée au monde.
En marchant du côté grec, on peut atteindre en quelques minutes à pied la rue Ledra où se trouve le poste de contrôle. En montrant son propre passeport on peut rejoindre le côté turc. On est tout de suite dans une réalité différente : en Europe et en orient au même temps.
La division du pays n’a pas empêché son entrée dans l’Union européenne en 2004 avec le grand élargissement. À ce temps-là dix pays -Tchéquie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Malte, Pologne, Slovénie et Slovaquie- y compris Chypre, ont été accueillis à faire partie de la famille européenne.
Dès lors le seul autre pays qui est entré dans l’Union c’est la Croatie en 2013. Des plus sous le commissaire européen et homme politique luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, à la tête de l’exécutif bruxellois du 2014-2019 le mantra “pas d’inclusion d’autres pays pendant mes années au pouvoir” a dominé la politique européenne.
Néanmoins les défis internationals surtout dans les dernières années, voire l’agression de l’Ukraine par la Russie ou plus récemment le conflit au Moyen-Orient et la menace à la stabilité et sécurité pour l’Union européenne, elle-même n’a pas pu nier l’importance cruciale de ne pas oublier les Balkans occidentaux. Toutefois leurs ingrés ce n’est pas fixé. Et tout dépendra du progrès fait dans les capitales. Malgré ça le discours autour d’une possible entrée du Kosovo a toujours fait référence au dictum développé dans les capitales européennes “non une deuxième Chypre”.
Au même temps on ne devrait pas oublier les progrès faits par Pristina dès son indépendance dans plusieurs endroits : la lutte contre la corruption, le développement de l’État de droit, et. D’une part tous ses victoires ont été finalement récompensées avec l’octroi de la liberalization des visas à partir du 1er janvier 2024. D’autre part on devrait du côté de Bruxelles signaliser un engagement significatif vers la capitale kosovare, c’est-à-dire planifier une date concrète pour son entrée dans l’Union. Cela donnerait un signal très important pour le petit pays balkanique et pour l’Union européenne elle-même en tant qu’acteur régional credible et fiable. Bruxelles ne devrait pas craindre un deuxième Chypre. Au contraire si Bruxelles fixe une date pour son adhésion, elle se devra bâtir pour faire plus de pression sur Belgrade dans le nord du pays encore sous son contrôle. De plus l’entrée du pays même si de facto divisé en deux -le nord serbe et le reste albanais- pourrait mieux faciliter et régler la cohabitation entre les deux communautés et pourquoi pas une future intégration. Les avantages d’une telle démarche l’emporteront sur les obstacles. Et tout le monde en profitera.